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tribut de 400 talens, et, comme ce tribut était destiné à solder les matelots, qui exigeaient des espèces ayant cours partout, l’autorité fédérale insista dès le début pour que le tribut fût acquitté en chouettes attiques. Dix ou quinze ans après la fondation de la ligue, les monnayages locaux, si nombreux dans l’Archipel au VIe siècle, avaient été en grande partie découragés, et la monnaie attique circulait partout. C’est à ce moment que le type de la tête d’Athèna, pour ne pas déconcerter la clientèle, devenue innombrable, des ateliers attiques, fut fixé dans un archaïsme voulu. On sait que les figures. des tétradrachmes d’Athènes, avec l’œil rond, le sourire stéréotypé, et tous les traits de l’art ancien, contrastent avec les monnaies contemporaines de Syracuse, non moins qu’avec la sculpture attique du siècle de Phidias. Ce fait constitue dans l’histoire de l’art une anomalie analogue à celle que présentent les monnaies d’Egine du siècle précédent, d’une grossièreté si déconcertante au premier abord : il s’explique par les mêmes raisons économiques.


Mais c’est l’essor du commerce maritime qui fournit à cet argent des placemens rémunérateurs.

Le commerce national d’Athènes ne put vraiment se développer qu’après la chute d’Egine (457-456), « la paille dans l’œil du Pirée. » L’emplacement du nouveau port d’Athènes, choisi depuis longtemps par Thémistocle, avait été entouré d’une enceinte dès le lendemain des guerres médiques, et le port militaire installé tout de suite (bien que l’aménagement définitif des docks ne date que de 450). Hippodamos de Milet avait même tracé dès ce moment, pour la ville future, le plan régulier qui formait un contraste si tranché avec les ruelles tortueuses de la ville haute. Mais il fallut du temps pour que le cadre ainsi tracé se remplît. En 453 pourtant, le mouvement commercial du port était assez grand pour justifier la création d’un tribunal maritime spécial. Puis, sous l’administration de Périclès, le Pirée devint un des grands marchés du monde grec. A la fin du Ve siècle, la douane y accusait un mouvement annuel de 2 000 talens (12 000 000 de francs), alors que tous les autres ports de l’Archipel ne faisaient ensemble que 30 à 40 000 talens (200 000 000 de francs).

C’est qu’à cette époque la « paix athénienne » avait transformé complètement la mer Egée, en mettant un terme à la