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embarque 100 kilogrammes de lest qui permettront de s’élever à cent ou deux cents mètres plus haut. On pourra donc, le jour où on le voudra, donner aux dirigeables les qualités militaires de rayon d’action et d’altitude qui leur manquent aujourd’hui, et constituer grâce à eux de véritables flottes aériennes militaires, qui assureront l’empire de l’air à leurs possesseurs.

Telle est du moins la théorie : en fait, tout n’est pas bénéfice dans une augmentation de volume ; le poids de l’enveloppe imperméable, celui de tous les agrès augmentent avec la force ascensionnelle de l’appareil ; la résistance à la marche en avant augmente aussi, ce qui force à employer un moteur plus puissant. Les difficultés de construction s’accroissent avec les dimensions de l’aéronef : elles ne sont pourtant pas de nature à faire reculer nos ingénieurs. Tout compte fait, on a un avantage certain, au point de vue du rayon d’action et de l’altitude, à construire des ballons de gros cube, pour employer l’expression consacrée, et ce sont là, pour quelques années du moins, les véritables unités militaires des flottes aériennes.

Ainsi, jusqu’à une époque indéterminée qui n’est pas très éloignée, je l’espère, nous ne pouvons pas employer les aéroplanes comme aéronefs de guerre ; nous devons compter exclusivement sur les dirigeables, et sur les dirigeables de gros volume ; ceux-ci sont la solution du présent, les aéroplanes celle de l’avenir. Quant aux dirigeables de petites dimensions c’est-à-dire de trois à quatre mille mètres cubes, ils ne seront jamais des aéronefs militaires.


VII

Tout cela, on le savait depuis longtemps ; et, pendant que l’opinion publique s’enthousiasmait, avec raison, pour les aéroplanes, le ministère de la Guerre aurait dû s’en bien pénétrer. Tout en surveillant avec intérêt les progrès merveilleux des appareils plus lourds que l’air, son devoir était de constituer notre flotte aérienne avec des dirigeables de 8 à 10 000 mètres cubes. Le grand reproche qu’on peut lui faire, c’est d’avoir attendu plus de deux ans pour se convaincre de cette vérité.

Il est juste de dire qu’on ne manquait pas d’argumens pour appuyer l’opinion contraire : les dirigeables sont des engins très dispendieux, ils coûtent de 4 à 500 000 francs ; en y ajoutant