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devions éprouver, mais des craintes sérieuses de voir notre armée inférieure sous ce rapport à l’égard de l’Allemagne.

Le brillant résultat du circuit de l’Est est de nature à rassurer les moins optimistes. L’aéroplane est en effet né d’hier ; il y a deux ans, à pareille époque, les aviateurs s’essayaient dans des vols timides de quelques minutes et à moins de 10 mètres du sol. Aujourd’hui, nous venons de les voir parcourir près de 800 kilomètres, suivant un itinéraire déterminé, s’élever à plusieurs centaines de mètres de hauteur par-dessus les forêts, les rivières, les collines et arriver à chaque gîte d’étape plus rapidement qu’on n’aurait pu le faire par tout autre mode de locomotion.

En 1908, il ne manquait pas de gens qui, tout en reconnaissant l’intérêt de l’aviation naissante, déclaraient que ce ne serait jamais qu’une curiosité scientifique et tout au plus un sport nouveau ; c’était le petit nombre qui croyait à l’avenir de l’aviation et à son entrée prochaine dans le domaine des applications pratiques. L’événement a donné raison à ces derniers.

Certes, les exploits de Leblanc et d’Aubrun ne sont encore qu’un fait isolé, et il ne s’est trouvé que deux aviateurs pour accomplir entièrement le parcours prévu ; mais les résultats d’une invention nouvelle commencent toujours par être des faits exceptionnels, puis peu à peu ils se généralisent. Il y a deux ans, les pilotes d’aéroplane qui avaient pu se maintenir un quart d’heure de suite dans l’atmosphère étaient au nombre de deux ; aujourd’hui, aucun aviateur n’oserait se vanter d’un pareil exploit tant il semble d’une réalisation facile. Dans un an, les voyages analogues à ceux de Leblanc et d’Aubrun se seront multipliés et paraîtront des choses toutes naturelles.

Le circuit de l’Est n’aura pas fourni l’occasion des premiers voyages en aéroplane proprement dits ; plusieurs mois auparavant, Paulhan était allé de Londres à Manchester, et il y a plus d’un an que Blériot a traversé le Pas de Calais. Néanmoins, cette série d’étapes parcourues à jours fixes montrent tout ce que l’on peut attendre de l’aviation au point de vue pratique. Ce sera certainement le point de départ d’une ère nouvelle, et la France peut être fière du résultat obtenu.

Ce qui, au moins autant que le circuit proprement dit, mérite de fixer l’attention, ce sont les voyages aériens accomplis au cours de cette épreuve par nos officiers aviateurs. Ils n’ont pas