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Tant d’efforts combinés ne pouvaient manquer de jeter une vive lumière sur le commerce criminel et ses moyens d’action. L’Egypte, les deux Amériques, celle du Sud principalement, la Russie, Varsovie surtout, sont les principaux pays d’importation. L’Europe est plutôt pays d’embauchage et d’exportation.

Voici quelques faits, parmi les mieux établis.

Le Comité National d’Alexandrie surveille attentivement, avec le concours de la police, les débarquemens de mineures voyageant seules, leur destination étant toujours suspecte. 759 malheureuses, presque toutes Grecques, ont été recueillies en 1908 et confiées aux autorités consulaires ou religieuses de leur nation. Il y en a eu 1208 en 1909. Les États-Unis, dont la législation sur les immigrans est fort sévère, ont fait depuis 1908, date de leur adhésion à la conférence, des enquêtes dans les maisons de débauche. A Chicago, 230 filles, presque toutes amenées par ruse ou contrainte, y ont été trouvées. Deux entremetteurs ont été arrêtés. Une étude de la situation a mis hors de doute l’existence d’un système organisé pour y attirer d’innocentes filles.

Au Canada, d’après M. Sims, auteur d’une brochure sur la Traite qui y a fait sensation, les trafiquans forment un syndicat dont les ramifications s’étendent de l’Atlantique au Pacifique, avec des bureaux dans presque toutes les grandes villes. Des rabatteurs parcourent la France, l’Allemagne, la Hongrie, l’Italie. A Philadelphie, un inspecteur de l’immigration constate des faits analogues. Un syndicat a toute une chaîne de stations dans presque chaque ville de quelque importance. Il alimente une douzaine de maisons. La plupart des jeunes filles sont Italiennes, Russes et Polonaises. C’est une femme qui en était le principal agent. Elle a été arrêtée et condamnée.

Autre fait, dont l’horreur semble invraisemblable et est cependant attesté par un témoin oculaire. Le docteur Green, chargé de l’expédition envoyée par un philanthrope américain en Sicile, au secours des victimes des tremblemens de terre de 1908, déclare que des trafiquans, « véritables vautours humains, » recherchaient, parmi les ruines, les jeunes filles ayant survécu à la mort de leurs parens, les entraînaient sous prétexte de les conduire auprès de membres de leur famille, et les embarquaient pour les vendre à des maisons de prostitution de l’Amérique du Sud.

Il y a vers la Russie une émigration fréquente d’Allemandes,