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Une surveillance sera exercée par les gouvernemens en vue de rechercher, particulièrement dans les gares, les ports d’embarquement et en cours de voyage, les conducteurs de femmes ou filles destinées à la débauche. Leur arrivée sera signalée, le cas échéant, aux autorités compétentes (art. 2).

Les femmes étrangères se livrant dans chaque pays à la prostitution seront interrogées en vue de rechercher si elles n’ont pas été victimes de tromperies ou de contrainte. Leur rapatriement sera opéré (art. 3) et pourra l’être sans frais (art. 4).

Les bureaux ou agences de placement qui s’occupent des placemens de femmes ou filles à l’étranger seront l’objet d’une surveillance spéciale (art. 6).

Il est impossible de ne pas rendre hommage à la sagesse de ces mesures. Mais, exécutoires depuis le 18 mai 1904, ont-elles été réellement appliquées ? On a souvent émis des doutes à cet égard, sans toutefois les appuyer d’aucune précision, et l’ignorance sur les résultats, cependant très sérieux, obtenus à certains égards, est telle que la plupart des journaux considérant, par une étrange méprise, comme nouvelles, les dispositions de 1902, naturellement reproduites dans le texte de la Conférence de 1910, ont fait honneur à cette dernière d’avoir enfin, et pour la première fois, créé une entente contre la traite, entre les nations. C’est une complète erreur. Il convient de la relever, car la laisser se propager ne serait pas seulement méconnaître le mérite de l’initiative prise en 1902 par la première assemblée des Puissances, ce serait commettre la plus regrettable injustice envers les efforts considérables faits, dès ce moment, et les notables résultats déjà obtenus tant par la plupart des gouvernemens que par les associations privées.

Il convient de préciser ces derniers.

En ce qui touche d’abord les modifications législatives, plusieurs États se sont mis en mesure, dès le vote et sans attendre sa ratification, de les réaliser. La France, notamment, devançant toutes les autres nations, votait dès l’année suivante, le 3 avril 1903, la loi qui faisait de l’embauchage en vue de la prostitution un délit. Il était institué à l’égard de la femme ou fille mineure, même s’il était réalisé avec son consentement, et pour la majeure, en cas de violence, menace, abus d’autorité, ou de tout autre moyen de contrainte. Il était puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans et de 50 à 5 000 francs