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comme amoureux que comme descripteur. Ses vers d’amour sont d’un artiste qui se plaît à peindre la beauté ; ses vers de paysagiste sont l’un homme qui décrit surtout les effets que la nature fait sur lui. Du reste, dans l’un et l’autre rôle, il est remarquable. Une strophe dans un poème sur le sommeil de l’aimée est à retenir :


La rose en rendant son odeur,
Le soleil donnant son ardeur,
Diane et le char qui la traîne,
Une naïde dedans l’eau
Et les Grâces dans un tableau
Font plus de bruit que ton haleine.


Une élégie intitulée Désespoir amoureux a, du moins, un très beau début :


Éloigné de vos yeux où j’ai laissé mon âme,
Je n’ai de sentiment que celui du malheur,
Et, sans un peu d’espoir qui luit parmi ma flamme,
Mon trépas eût été ma dernière douleur.

Plût au ciel qu’aujourd’hui la terre eût quitté l’onde
Que les rais du Soleil fussent absens des deux ;
Que tous les Siemens eussent quitté le monde
Et que je n’eusse point abandonné vos yeux.


Il a même un genre d’élégie qui approche de la Méditation poétique, genre qui n’est pour ainsi dire arrivé à son plein développement et aussi à la conscience de lui-même qu’avec Lamartine. J’entends par méditation poétique une idée mêlée de sentiment ou un sentiment se transformant en idée générale et, à ce moment juste, saisi et fixé par le poète en une forme originale. Il y a dans Théophile une pièce de ce genre qui peut-être est symbolique, qui peut-être, et je le crois, renferme un sens à demi caché, qui, en tout cas et de quelque façon qu’on la prenne, est d’une grande beauté à la fois de pittoresque et de rêverie : titre, les Nautoniers. Sainte-Beuve nous apprend que Mme Tastu l’admirait fort :


<poem> Les amours plus mignards à nos rames se lient, Les Tritons à l’envi nous viennent caresser, Les vents sont modérés, les vagues s’humilient Par tous les lieux de l’onde où nous voulons passer.