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commentaires qui ont accompagné le vote[1]. Bien plus, l’Angleterre elle-même a reconnu que, dans le cas de la cession du territoire congolais, les formalités de l’article 34 seraient inutiles. Le traité, conclu par elle avec l’Etat indépendant, prévoit en effet-expressément des cessions de ce genre et n’exige pour toute condition que le maintien par le concessionnaire des droits reconnus aux sujets anglais par l’État cédant[2]. Donc, point de « notification » ni occasion pour les autres États « de faire valoir leurs réclamations. » Et ces formalités que l’Angleterre négligeait d’imposer quand il s’agissait de cession à un tiers quelconque, on voudrait en exiger l’observance pour l’annexion du Congo à la Belgique qui, depuis l’origine, a toujours été considérée comme sa métropole de fait !

La France, en vertu de textes formels, a le droit de s’opposer à toute cession du territoire congolais ; elle a admis ne pouvoir user de ce privilège en cas d’annexion du Congo à la Belgique[3]. Et là où la France reconnaît qu’au point de vue international, il n’y a même point de « cession, » ni par conséquent substitution d’un autre État à un État préexistant, on

  1. Le prince de Bismarck résumait en ces mots, à la séance du 15 novembre 1884, le but de l’article 34 :
    « Le développement naturel du commerce en Afrique, a-t-il dit, fait naître le désir bien légitime d’ouvrir à la civilisation les territoires inexplorés et inoccupés à l’heure qu’il est. Pour prévenir des contestations qui pourraient résulter du fait, d’une nouvelle occupation, les gouvernemens de France et d’Allemagne ont pensé qu’il serait utile d’arriver à un accord relativement aux formalités à observer pour que des occupations nouvelles sur les côtes d’Afrique soient considérées comme effectives… En vue de l’avenir, j’aurai l’honneur de soumettre à la Conférence un projet de déclaration portant que désormais la validité d’une nouvelle prise de possession sera subordonnée à l’observation de certaines formes, telles que la notification simultanée, afin de mettre les autres puissances à même de reconnaître cet acte ou de formuler leurs objections. » Entrant dans les vues exprimées par son président, la conférence de Berlin a adopté le projet de déclaration annexé au protocole n° 7, dont le texte a servi à la rédaction définitive des articles 34 et 35 de l’acte général.
  2. L’article 10 du traité anglo-congolais du 16 décembre 1884 porte : « En cas de cession du territoire qui se trouve actuellement sous le gouvernement de l’Association ou qui s’y trouvera plus tard, les obligations contractées par l’Association dans la présente convention seront imposées au cessionnaire. »
  3. « L’Association internationale du Congo, au nom des stations et des territoires libres qu’elle a fondés au Congo et dans la vallée de Niatlé-Quillou, déclare formellement qu’elle ne les cédera en rien à aucune puissance sous réserve des conventions particulières qui pourraient intervenir entre la France et l’Association pour fixer les limites et les conditions de leur action respective. » (Lettre du colonel Strauch à M. Jules Ferry du 23 avril 1884.)
    Cet engagement a été repris dans les arrangemens du 5 février 1895 et du 23 décembre 1908, réglant le droit de préférence de la France.