Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 58.djvu/827

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’enquête de Brazza, préconiser la déchéance en bloc des sociétés concessionnaires ou, si la conscience publique n’admet point cette « solution simple, définitive et parfaite, » va-t-il paralyser leur action, ou bien encore, préférant la manière douce, procédera-t-il à un rachat général ?

Quoi qu’il fasse, il peut compter sur l’appui de l’opinion. Si le système des concessions est défendable, s’il présente même de tels avantages qu’on a pu y voir, en principe, le meilleur moyen de mise en valeur de la forêt congolaise, beaucoup de sociétés concessionnaires du Congo belge en ont à ce point abusé, elles ont donné de telles preuves d’incurie, elles se sont montrées si avides, si préoccupées de leurs intérêts immédiats, si oublieuses de leurs devoirs envers les natifs et envers la colonie, qu’il ne se trouve plus personne pour les soutenir.

Lorsque, après plus de quinze ans d’activité, des entreprises de ce genre ne peuvent faire état que des énormes dividendes distribués, que leur capital liquide est réduit à presque rien, leurs postes de récoltes abandonnés, leurs plantations inexistantes, leurs postes indigènes en révolte, elles ont donné des preuves si décisives d’incapacité qu’elles peuvent disparaître.

Mais une intervention aussi imprévue, brutale presque, léserait nombre de petits actionnaires, irresponsables des fautes des dirigeans. Mieux vaut négocier. Ces compagnies domaniales s’apercevront de l’impossibilité de faire respecter leurs concessions dans une forêt ouverte au trafic libre. Acheter le caoutchouc aux noirs à meilleur prix que leurs concurrens, sera leur seule défense contre la maraude. Dans ces conditions, elles ne peuvent se montrer bien exigeantes vis-à-vis de la colonie, si celle-ci leur offre quelque compensation.

La situation est un peu différente en ce qui concerne le domaine réservé à la Compagnie du chemin de fer dit des Grands Lacs, qui jouit d’une garantie d’intérêt ; mais cette société encore a un tel besoin du concours du gouvernement qu’un terrain d’entente sera vite trouvé.


Quelles seront les conséquences du nouveau régime ? Il est difficile de les prévoir dès à présent. Nul ne pourrait dire dans quelle mesure immédiate le négoce international en profitera, s’il y aura une ruée, un « rush » d’Européens vers les territoires ouverts ou si, comme il est plus probable, il ne se produira