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existante, un Etat solidement organisé et administré ; il l’a fait avec une telle rapidité et une telle sûreté de vue, qu’il a dérouté toutes les prévisions. En donnant à ce peuple d’industriels et de négocians que sont les Belges la preuve de sa vitalité, il a usé du meilleur argument pour convertir leur indifférence en une vocation coloniale qu’ils se reconnaissent aujourd’hui. Si, néanmoins, il n’a point fait en faveur du commerce privé tout ce que celui-ci en attendait, il a tout au moins ouvert les voies. « Je ne sais si le Congo est fermé aux commerçans, disait un voyageur indépendant, mais je crois qu’il est admirablement préparé à les recevoir[1]. »


Ce retour en arrière sur la politique économique de l’Etat du Congo, était nécessaire pour apprécier le changement radical d’orientation donné par le gouvernement belge. Ce changement peut se résumer en deux mots : c’est la substitution progressive de l’exploitation libre à l’exploitation domaniale. L’action de l’Etat fait place à l’initiative privée.

L’exposé des motifs du budget colonial soumis au Parlement de Bruxelles au mois d’octobre dernier, marque à ce point de vue une date historique : « Par l’application des règles nouvelles, dans toutes les régions où l’exploitation du domaine est abandonnée, les indigènes auront le droit de récolter les produits du domaine, caoutchouc et copal, et de les y vendre aux particuliers ; des terres seront vendues aux particuliers pour la création de factoreries où l’on pourra trafiquer de tous les produits… La colonie percevra l’impôt en argent. Le droit de licence de S000 francs sera supprimé et remplacé par une contribution modérée fixée par kilo de caoutchouc récolté[2]. »

  1. A Jankee in Pigmeeland, par M. Geil.
  2. Documens parlementaires, session 1909-1910, n° 255, p. 2.