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les inquiétudes d’une tentative révolutionnaire, et, plus particulièrement, les tristesses si inattendues du deuil d’un pays ami.

La presse a cependant reproduit le texte des résolutions de la Conférence. Mais elle s’est en général méprise sur le caractère de quelques-unes des plus considérables d’entre elles et n’a point fait remarquer leur importance. C’est, à mon sens, un regrettable oubli. Jointe en effet à la Conférence internationale réunie en 1902, également sur la convocation du gouvernement français et dont il importe de ne pas la séparer, elle constitue un progrès d’une haute importance dans l’histoire des ententes entre nations.

Jusqu’ici les concerts internationaux devenus si fréquens depuis un demi-siècle, au grand avantage des peuples et de la paix du monde, portaient uniquement sur des intérêts d’ordre politique, tels les traités qui garantissent la neutralité de certains Etats, ceux qui fixent leurs droits réciproques dans des conflits possibles, ceux encore qui règlent les droits de la guerre ou les conditions de l’arbitrage, ou encore d’ordre économique, conventions postales ou monétaires, conventions relatives aux douanes, aux chemins de fer, à la propriété artistique ou littéraire, etc. Mais il faut remonter à plus d’un siècle, et le fait était resté jusqu’à présent unique, pour trouver un concert international réalisé en vue d’un intérêt de pure humanité. J’entends parler de la célèbre campagne engagée par l’Angleterre sur la courageuse et tenace initiative d’un homme qui y a trouvé une illustration méritée, Wilberforce, contre la Traite des Noirs. Et encore faut-il constater que l’entente si laborieusement créée alors, loin d’être l’effet d’un accord concerté, fut successive et plutôt arrachée à chaque gouvernement par l’âpre énergie de négociations souvent appuyées sur la menace et la force, qu’obtenue de son libre consentement.

Ce que les ententes de 1902 et de 1910 ont d’original et de nouveau, c’est que, reprenant cette tradition et n’usant cette fois que des procédés amicaux, seize Etats comprenant, avec la presque unanimité des États d’Europe, les Etats-Unis d’Amérique et ceux du Brésil, se sont, sur la convocation de l’un d’entre eux, réunis, pour traiter et régler des questions d’ordre uniquement moral : en 1902, la répression de la Traite des Blanches ; en 1910, celle de la fabrication, du commerce et de la circulation des productions obscènes.