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On comprend, devant des textes aussi formels, l’avis unanime des jurisconsultes. MM. de Martens[1], Nys[2], Ed. Picard[3] d’autres encore[4], concluent de même : « La théorie des biens vacans, telle que l’admettent les législations civiles des peuples civilisés et que l’a consacrée la législation de l’État Indépendant, n’a rien à voir avec le principe de la liberté commerciale inscrit dans l’Acte de Berlin. C’est une matière de pur droit civil et non de droit commercial. Le caoutchouc est un fruit naturel des forêts qui le produisent. Le propriétaire de la forêt, État ou particulier, peut en disposer librement. »

Lorsque dix ans plus tard, en mars 1903, les sociétés concessionnaires françaises, pour en finir avec les contestations continuelles sur la légitimité de leur existence, demandèrent l’avis de Me Barboux, les conclusions de l’éminent avocat ne furent pas moins catégoriques[5]. Il les terminait par un conseil : « Quand un contrat est obscur, il faut que les juges l’interprètent ; mais il ne suffit pas qu’une des parties le déclare obscur pour qu’il le devienne. Un contrat n’est pas obscur quand le sens qu’il présente d’abord à l’esprit éclairé par les seules lumières du sens commun, reçoit l’assentiment universel, et dans ce cas, on ne l’interprète pas, on l’applique avec mesure, mais avec fermeté. »


Parmi ceux qui ont étudié la fondation de l’État libre, nul n’a mis en doute la fermeté du roi Léopold. S’il est un trait de caractère qui frappe dans cet homme extraordinaire, c’est avec l’ampleur de ses desseins, la ténacité à les réaliser et le courage à les défendre. Sut-il au même degré garder la mesure ? Ses admirateurs mêmes reconnaissent qu’à certains momens, et dans

  1. De Martens, Mémoire sur les droits domaniaux de l’État indépendant du Congo, novembre 1902, Bruxelles, Hayez.
  2. E. Nys, l’État indépendant du Congo et les dispositions de l’Acte général de Berlin (Revue de droit international et de législation comparée, t. V, p. 326).
  3. E. Picard, Consultation sur les droits domaniaux de l’État indépendant du Congo, novembre 1902, Bruxelles, Hayez.
  4. Voyez notamment les consultations de MM. Van Berchem, conseiller à la Cour de cassation, Van Maldeghem et De Paepe.
  5. Consultation délibérée par Me Henri Barboux, avocat à la Cour d’appel de Paris, ancien bâtonnier de l’ordre, 15 mars 1903.