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patience de s’ennuyer jusqu’au bout. Rien n’est plus juste. Mais il était juste aussi que le public trouvât le journaliste encore plus impertinent que l’auteur, et c’est ce qui est arrivé. » Si ce Joubert critique théâtral, — et dramaturge sifflé, — est bien le nôtre, il faut avouer que l’aventure ne manque pas de piquant.

Revenons, non pas aux simples conjectures, mais aux probabilités, et même aux certitudes. Un aimable et ingénieux érudit, bien connu pour ses précieux travaux de tous ceux qui s’occupent de Chateaubriand, et de son groupe, et qui vient malheureusement de mourir, M. G. Pailhès, a voulu avoir le cœur net de cette énigme que nous présente la vie littéraire de Joubert ; et, les textes d’Arnaud Joubert, de Chateaubriand et la Correspondance en mains, il s’est mis en tête de retrouver quelques-uns au moins des écrits publiés de ce mystérieux écrivain : il a consigné les résultats de ses recherches dans un livre tout plein de choses neuves, inédites ou instructives, et qui mérite pleinement le titre alléchant qu’il lui a donné : Du nouveau sur Joubert. Je ne puis résumer ici cette enquête, ni même indiquer tous les sagaces procédés employés par M. Pailhès pour la mener à bonne fin. Mais, si défiant que je sois généralement au sujet des attributions posthumes, je crois bien qu’ici la plupart des résultats obtenus dépassent l’ordre des probabilités, et confinent à la certitude. Joubert est-il bien l’auteur de deux volumes d’Anecdotes anglaises et américaines qui, datant de 1776 à 1783, n’ont été publiés qu’en 1813, et que la Biographie des hommes vivans, en 1818, « attribue » à un ami et protecteur de Joubert, M. de Langeac ? Il est possible ; mais, sur ce point, je n’oserais être trop affirmatif. Ce qui paraît plus sûr, et, en tout cas, infiniment probable, c’est qu’il y a lieu d’attribuer à Joubert un Précis historique sur Colomb, lequel précède une « Epître qui a remporté le prix à l’Académie de Marseille, » Colomb dans les fers, à Ferdinand et Isabelle, après la découverte de l’Amérique, « par M. le chevalier de Langeac : » ce volume a été publié à Londres et à Paris, en 1782[1]. Et enfin, ce qui semble tout à fait sûr, c’est que Joubert est bien l’auteur d’un petit livre qui parut en

  1. J’imagine que M. de Langeac qui, nous dit la Notice historique, « distingua le mérite de M. Joubert et l’engagea à se charger d’un travail fort important, » avait prié son ami de lui rédiger une sorte de mémoire historique sur Colomb, qui pût lui servir pour la composition de son épitre et qu’ayant obtenu le prix, il voulut associer pour ainsi dire son collaborateur à sa gloire, en imprimant, avec ses propres vers, le « précis » qu’il avait utilisé et les notes qui y étaient jointes.