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disposant de la presse, du théâtre, les libéraux avaient-ils donc encore besoin de moyens mécaniques pour vaincre l’Eglise ? Ses armes, à elle, c’étaient l’esprit de sacrifice, la force de foi, la prière ; et contre cette puissance morale ainsi désarmée, les libéraux ne pouvaient plus lutter avec des armes exclusivement morales ; ils transportaient en Allemagne les habitudes du napoléonisme, celles du byzantinisme ; c’était là, criait Reichensperger, la banqueroute du libéralisme.

Le 20 juin, le vote suprême fut acquis, par 181 voix contre 93 ; cinq jours après, le Conseil fédéral le ratifiait, et puis, le 28 juin, concertait contre les Jésuites les premières mesures d’application. Hohenlohe triomphait ; il avait tout machiné, par étapes ; cette loi d’impitoyable ostracisme était son œuvre. On proclamait cette paternité, et il en était fier.

On avait vu un certain nombre de conservateurs, piétistes ardens qui détestaient dans les Jésuites les ennemis de la Réforme, joindre leurs suffrages à ceux des libéraux ; et l’on pouvait se demander si le fossé qu’avait creusé entre ces deux partis la loi d’inspection scolaire, n’était pas en train de se combler. Mais le Bavarois Vœlk, au cours même des débats sur les Jésuites, était brusquement survenu, avec le vœu très pressant que des projets de loi sur le mariage civil obligatoire et sur l’état civil fussent présentés au prochain Reichstag : ainsi l’exigeaient, en Bavière, les nationaux-libéraux et surtout les vieux-catholiques. Parler de mariage civil, c’était de nouveau rejeter les conservateurs vers le Centre. Le vote contre les Jésuites devait être, pour beaucoup de protestans croyans, leur dernière manifestation contre le catholicisme.


X

Avec eux ou sans eux, la Prusse irait de l’avant : Falk, chaque jour, frappait un coup nouveau. Lorsque l’évêque de l’armée, Namszanowski, eut fait savoir au ministre Roon que, d’après la réponse du Vatican, l’église Saint-Pantaléon de Cologne ne pouvait servir à deux cultes, il fut brutalement relevé de ses fonctions, et le service de l’aumônerie militaire fut désorganisé. Que l’on en référât au Vatican, c’est ce que Falk n’admettait point : il grondait vertement l’évêque Krementz qui, pour justifier les excommunications prononcées, déclarait qu’un évêque