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Friedberg, au nom du Conseil fédéral, leur apportait un paragraphe qui permettait aux polices locales de traquer des individus. Personne n’en fut content, ni Bismarck, qui, se reposant à Varzin, n’avait pu surveiller la besogne, ni les nationaux-libéraux qui, tout de suite, s’occupèrent de la refaire eux-mêmes. Une réunion de députés, par eux convoquée, traînait et se décourageait ; mais Hohenlohe était là. Une commission de trois membres fut nommée ; il en fit partie, et même il en fut l’âme. Plus on discutait sur les Jésuites, moins on pouvait reculer devant eux ; il faudrait, quelle que fût la répugnance de plusieurs, aboutir à un vote ; et Hohenlohe, chargé de trouver la formule, allait encore en aggraver la rigueur. Pendant que Mallinckrodt qualifiait d’horreur hybride le paragraphe présenté par Friedberg ; pendant que l’imagination de Wagener dénonçait une vaste conspiration, dirigée par les Jésuites français, et qui tendait à propager en Allemagne le fanatisme et à en déraciner l’esprit national ; pendant que Windlhorst riait de cet État de 40 millions d’habitans, défendu par un million de soldats, et qui tremblait devant deux cents Jésuites n’ayant d’autre engin que des armes spirituelles ; pendant que Vœlk prophétisait la défaite définitive des Welches au-delà des Alpes comme au-delà du Rhin ; pendant que le socialiste Bebel accusait le Reichstag d’amuser le peuple avec les Jésuites pour le détourner de la question sociale, la Commission de trois membres, dont Hohenlohe était l’âme, élaborait un texte nouveau sur lequel on voterait. Ce texte déclarait exclus du territoire de l’Empire l’ordre des Jésuites et toutes les Congrégations affiliées ; les maisons existantes devaient être dissoutes dans un délai de six mois ; les Jésuites étrangers pourraient être expulsés ; les Jésuites indigènes pourraient être l’objet de mesures de police leur interdisant ou, tout au contraire, leur imposant le séjour dans certaines villes. Un catholique bavarois, Arétin, vit dans ce texte une atteinte aux libertés de la Bavière ; un ministre bavarois, Faustle, montra, par sa riposte, que la Bavière faisait désormais bon marché de ses libertés. Après de nombreux discours, les deux éloquences de Gneist et d’Auguste Reichensperger s’opposèrent l’une à l’autre, comme représentantes des deux thèses contraires. « Nous remontons au temps du Congrès de Carlsbad, protestait Reichensperger ; le Jésuite est suspect, a priori, comme l’était alors toute Burschenschaft ;