Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 58.djvu/706

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

calme d’esprit » que les diplomates constataient au Vatican. A part lui, d’ailleurs, il cherchait un autre nom d’ambassadeur à proposer au Pape, songeait un instant à son ami Keudell ; et puis lorsque, le 14 mai, le national-libéral Bennigsen demandait au Reichstag la radiation des crédits affectés à la légation près le Saint-Siège, Bismarck s’y opposait. Il eût pu répondre aux parlementaires, comme généralement il y inclinait, que la politique extérieure ne les regardait pas, mais au contraire, exceptionnellement, il allait leur en parler.

« Soyez sans crainte, déclara le chancelier, nous n’allons pas à Canossa, ni de cœur, ni d’esprit. » Donc, il ne pouvait pas être question de Concordat : car, après le Concile de 1870, un concordat condamnerait la puissance séculière à un degré d’effacement que l’Allemagne ne pouvait accepter. Les transformations qui s’imposaient dans les rapports de l’Eglise et de l’Etat seraient faites par des lois territoriales ou par des lois d’Empire. Mais il maintenait qu’il était opportun de conserver des rapports avec le Saint-Siège. Sans responsabilité, le Pape exerçait dans l’Empire, sur un certain nombre de citoyens, en vertu de la loi allemande, des droits approchant de la souveraineté, et tels que n’en exerçait aucun autre souverain étranger : il y avait là un fait. Des rapports inexacts faits à Borne, des incorrections involontairement commises pourraient tromper la Curie sur les intentions du législateur ; Bismarck voulait qu’il y eût à Borne quelqu’un pour les expliquer, pour les présenter sous leur vrai jour, et qu’ainsi se préparât, de la manière la plus conciliante, le règlement de frontières entre l’Eglise et l’État, nécessaire pour la paix intérieure.

On entendit Windthorst, Reichensperger, le prince de Hohenlohe, épiloguer sur l’incident du cardinal et sur les indiscrétions désobligeantes de la presse ; et l’on rit beaucoup lorsque Windthorst demanda si l’adjudant général de Sa Majesté serait autorisé à devenir, à Berlin, nonce de Sa Sainteté. La violence de langage du prince de Hohenlohe parut choquante aux protestans eux-mêmes. Mais c’est au discours de Bismarck que demeuraient longuement attachés les pensées et les rêves. L’Etat, s’érigeant désormais en unique législateur des choses d’Eglise, voulait encore connaître le Pape, et entretenir près de lui, non un négociateur, mais un informateur : telle était l’exacte intention du chancelier. Mais à quoi bon cet informateur, si Bismarck,