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allemands s’étant plaints à Pie IX des persécutions allemandes ; et le Pape, dans un discours public, les ayant consolés, Bismarck dictait à Lothar Bucher un article fulminant qui demandait compte à Pie IX de ses complaisances pour la réaction catholique, spécialement en France. Était-il possible que le pays de la Saint-Barthélémy, des dragonnades, de la Révocation de l’Edit de Nantes, ne fût pas encore assez catholique, au gré de Pie IX ? Bismarck s’amusait à voir le gouvernement français obligé de brider le zèle des « ultramontains ; » il était tout prêt à compatir à ce souci de la France, mais gare à la France si elle s’en relâchait et si elle leur permettait de prévaloir ! Et de loin, longtemps d’avance, il semblait apprêter ses sourires pour les nations luttant contre l’internationalisme romain, contre « un internationalisme qui nulle part n’est chez lui. »


VIII

Qu’il se considérât comme en guerre avec le Pape, c’était certain ; mais guerre ne signifiait pas rupture : il voulait, en cet instant même, que Guillaume Ier fût représenté près du Pape par le cardinal de Hohenlohe.

D’intelligence moyenne, de science moyenne, mais suppléant, par son élégante culture d’aristocrate, à ce qui lui manquait d’intelligence et de science, Gustave de Hohenlohe avait sur les Jésuites et sur l’infaillibilité, sur les ultramontains et les droits de l’Etat, les opinions de son frère le prince ; par ailleurs, il savait calculer ce qu’un bon prêtre doit à Dieu, et s’en acquittait correctement ; et puis, avec toutes les ressources de son excellent cœur et de sa grosse fortune, il donnait aux pauvres, sans calculer. Il avait quitté Rome après le Concile et, depuis lors, vivait dans la retraite, en Allemagne. Sa pourpre ne s’était pas égarée dans les réunions des vieux-catholiques ; mais il gardait parmi eux beaucoup d’amitiés. Il était disposé à rentrer à Rome, avec les commissions officielles de Bismarck. Non pas qu’il eût dans l’esprit assez d’audace, et des visées assez larges, pour aspirer à un grand rôle sur la scène romaine, mais le genre d’activité que le chancelier lui offrait comportait une foule de petits manèges, qui ne dépassaient pas sa compétence et pour lesquels il avait du goût.

Ce cardinal comptait sans le Pape : Antonelli laissa sans