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Ainsi se déroulait le discours, et, chemin faisant, la lettre de Windthorst à Kozmian était révélée, commentée, exploitée : Bismarck se servait d’elle pour attester, en face des innombrables signatures recueillies contre le projet de loi, le caractère factice d’un tel pétitionnement, et pour faire craindre une vaste conspiration internationale, qui grouperait contre l’Italie les puissances catholiques et le catholicisme allemand.

La presse bismarckienne épiait les trames du complot : sur l’ordre de Bismarck, Busch, dans la Gazette de Cologne, accusait Tiby, secrétaire de notre légation de Bruxelles, d’exciter l’opinion belge contre la politique religieuse de l’Allemagne ; puis, interprétant à sa guise la lettre saisie chez Kozmian, il accusait Windthorst et Ketteler de vouloir paralyser l’Allemagne en vue d’une croisade de la France contre l’Italie. Les Grenzboten, enfin, sous la plume du même Busch, donnaient une description plus effrayante encore du danger : Windthorst en Allemagne, les chauvins en France, les confesseurs et les féodaux en Autriche, préparaient, tous ensemble, une alliance franco-autrichienne sur base ultramontaine, qui détruirait l’empire d’Allemagne.

Le comte Münster, qui deux mois plus tôt avait voté contre le paragraphe de la chaire, se dressa belliqueusement derrière Bismarck, pour faire face avec lui contre de tels périls : « Le danger, déclara-t-il, c’est l’existence d’un parti antinational, pour lequel l’empire protestant est une épine dans l’œil, un aiguillon dans le cœur. Si vous repoussez le projet de loi, vous mettrez en joie ce parti, là-bas à Borne ; et de ce côté-ci des Alpes, ses rires sarcastiques auront un écho. »

Par 125 voix contre 76, la loi sur l’inspection finit par être votée, et le Kladderadalsch fêta ce dénouement dans un poème burlesque qui s’intitulait : « L’apprivoisement des réfractaires. »


VII

La victoire que venait de gagner Bismarck lui coûtait une amitié : celle des conservateurs. Entre eux et lui, c’en était fait pour de longues années. Les Grenzboten proclamaient que la mission d’être un parti de gouvernement, en Prusse et dans l’Empire, revenait désormais aux nationaux-libéraux, et invitaient ce parti à laisser de côté la vieille erreur libérale d’après laquelle « l’Etat n’aurait pas besoin de forces constantes, et