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particulariste, beaucoup plus que catholique ; — et l’on eut souvent l’étrange spectacle de voir la presse bismarckienne douter de la sincérité religieuse de Windthorst, non moins que de sa sincérité civique. En quoi cette presse se trompait : sans avoir la ferveur de beaucoup de ses collègues, et sans se dépenser comme eux dans les congrès catholiques, Windthorst, à qui le royaume de Hanovre avait dû l’établissement de l’évêché d’Osnabruck, suivait avec une piété correcte les observances de son Église ; et ce n’était point par un manège politique, mais au nom de sa foi, qu’il défendait le catholicisme.

Dans l’histoire du parlementarisme contemporain, Windthorst est le type de l’opposant. Il visait à démonter l’adversaire plutôt qu’à le réfuter ; il était plus tacticien que dialecticien. Pour être pleinement compris et goûtés, ses plus célèbres mouvemens d’éloquence doivent être étudiés, non dans la sténographie officielle, qui ne reproduit que des mots, mais dans les comptes rendus des journaux, qui donnent la physionomie des séances. Nul comme Windthorst ne savait guetter, ou bien provoquer, l’incident qui trouble l’ennemi ; alors il se levait, devenant à peu près aussi haut que ses collègues assis ; on entendait sourdre un filet de voix, menue comme tout son être ; et ce filet de voix, se dirigeant sur l’obstacle, se jouait tout autour du point faible, avec une douce, lente et progressive cruauté ; peu à peu, tout sautait, tout craquait autour d’une petite brèche toujours plus large, et l’obstacle était percé. On eût dit une de ces vrilles, qui s’avancent et s’enfoncent avec un grignotement tenace et laborieusement agaçant, avec de petits zigzags, même de petits écarts, dans la planche de bois d’abord rebelle et bientôt entamée. Ses zigzags, à lui, c’étaient des bons mots, parfois bouffons et baroques, souvent spirituels, toujours imprévus, et que sa mimique, quels qu’ils fussent et quoi qu’ils valussent, rendait toujours drôles ; dans l’atmosphère du Parlement, ces plaisanteries répétées et précipitées tombaient à la façon d’une averse, et dérangeaient les plus altières contenances. On se gardait bien de l’interrompre, sur les bancs nationaux-libéraux ; car on savait qu’au lieu de le déconcerter, on exciterait, plus sûrement encore, l’âpreté périlleuse de ses ripostes. Il ne se rasseyait que pour se relever bientôt : il y eut une session où il prit soixante-six fois la parole. Il aimait les débats où l’on fixait l’ordre du jour ; il s’amusait, sans en avoir l’air, à égratigner à