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EN GASCOGNE

L’ABANDON DE LA TERRE

Nous sommes en Gascogne, où je prie le lecteur de me suivre, et nous n’en sortirons pas. J’entends par-là que je m’interdirai les généralisations, même les plus tentantes, pour rester sur le terrain des faits observés, avec les réflexions nées directement de ces faits : documens recueillis peu à peu, au jour le jour, pour mon plaisir, pendant trente années de vie médicale, et sans penser qu’ils seraient jamais publiés. Et, comme je n’ai d’autre titre que d’avoir vu de très près les choses dont je vais parler, il faut que je précise les limites du champ de mon observation.

C’est le pays qui commence à quelques lieues au sud de Lectoure, s’étendant à l’ouest jusqu’aux confins de l’Armagnac et des Landes, à l’Est jusqu’à la Gimone, dépassant au Nord la Garonne pour s’arrêter à la plaine du Lot au voisinage de son embouchure, en tout une vingtaine de cantons, presque un département. Ce n’est qu’une partie de la Gascogne, la partie la plus riche, et même quelques cantons entre la Garonne et le Lot ne lui appartenaient pas. Mais on peut admettre que, sous la réserve des nuances et de quelques détails, cette étude est applicable à tous les départemens gascons.

Le pays est essentiellement agricole, sans grande ville, sans commerce, sans industrie, sans richesses dans le sous-sol ni chutes d’eau, et la population tout entière vit de la terre, soit qu’elle la cultive à des titres divers, — propriétaires, fermiers, métayers, ouvriers, — soit qu’elle la possède sans la cultiver. Il