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l’éducation nouvelle et le gouvernement, ne sachant plus que faire, prend des mesures contradictoires. Dans son ignorance des conséquences fatales, il a crevé les outres d’Eole, et son agitation brouillonne accélère l’arrivée de la tempête. Alors, comme tous les gouvernemens en détresse, il tourne ses regards du côté de l’armée. Il veut l’avoir en main et la tire tout à coup de sa situation méprisée, pour la placer sur le même rang que les services de l’État les plus honorés et les plus recherchés.

Il y a peu d’années, le Chinois voyant passer des troupes les regardait avec indifférence, sinon avec dédain. Aujourd’hui, il s’y intéresse. Il voit en elles l’organisme qui doit le délivrer de la pression de l’étranger, dans lequel les classes dirigeantes lui montrent un adversaire, sinon un ennemi. A défaut de patriotisme, « La Chine aux Chinois ! » est pour le peuple un mot d’ordre facile à comprendre, et le gouvernement s’efforce de donner ainsi à l’armée un idéal assurant son unité mentale. En même temps il ne néglige rien pour augmenter le prestige dont elle a besoin pour devenir la force à ses ordres, sur laquelle il pourra compter. Les jeunes princes de la famille impériale sont inscrits dans les régimens. Les vice-rois, les gouverneurs, les personnages les plus marquans de l’Empire sont invités à faire entrer leurs enfans dans les écoles militaires.

L’uniforme est en honneur. Un édit impérial a fixé les assimilations des grades civils et militaires. Le lieutenant a rang de sous-préfet et le maréchal celui de vice-roi. Un conseil de la défense nationale, composé des plus hauts chefs de l’armée et de la marine, vient d’être créé. Ses membres peuvent assister aux séances du grand conseil de l’Empire et devront y paraître en tenue. Le prince régent, Tsaï-Chun, a mis à la tête de l’armée son frère le prince Tsaï-Tao, comme chef d’État-major général et commandant de la Garde. Son second frère, le prince Sioun (Tsaï-Hsun), est grand maître de la marine. On se rappelle que le prince régent fut forcé d’aller à Berlin présenter les excuses du gouvernement chinois à l’empereur Guillaume, pour l’assassinat du ministre d’Allemagne, le baron de Ketteler, le 10 juin 1900. Dans cette pénible mission, il fut accompagné par le général Yin-Chang, récemment nommé ministre de la Guerre. Le 16 juillet 1909, un édit rendait l’Etat-major général indépendant du ministre de la Guerre qui, dès lors, n’est plus qu’un agent d’exécution. L’Etat-major fait les nominations de généraux et