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Lauréat. Ce doit être un titre difficile à acquérir si l’on songe que le livre intitulé les « Vingt-quatre Histoires » comprend 3204 volumes écrits par vingt-quatre auteurs différens. Tous ces examens provoquent dans les villes une excitation de même ordre que celle des courses de chevaux dans les pays anglo-saxons. Des paris à proportion sont faits sur les candidats dont les chances sont cotées, sans oublier le coefficient de corruption qui doit entrer dans tous tes calculs de probabilité.

Depuis des siècles, ce système a pourvu la Chine de son personnel administratif et assuré son unité, mais il n’a pas développé les facultés actives, et le fonctionnaire chinois est l’adversaire de ce qui pourrait troubler un repos lucratif si péniblement acquis. Les diplomates occidentaux reconnaissent aux Chinois de l’intelligence, de la finesse, mais sans volonté fixe. Leur dialectique est remarquable, ils tirent un excellent parti des situations mal définies et savent les provoquer.

Aujourd’hui, sous l’impulsion éclairée du prince régent Choun, le gouvernement s’efforce de changer l’éducation de la Chine. Il veut la mettre en état de s’assimiler les sciences. Les hommes d’Etat prouvent ainsi la largeur de leurs vues. N’ont-ils pas à lutter contre leur éducation ? Ne doivent-ils pas abandonner les doctrines de leur jeunesse considérées naguère comme intangibles ? La tâche est pour eux d’autant plus difficile qu’ils ne connaissent ni la valeur, ni l’usage des principes scientifiques, ni la manière dont il faut les étudier. Ils n’ont même pas la certitude de trouver des conseillers européens désintéressés. La plupart n’obéissent qu’au désir de favoriser l’industrie ou le commerce de leurs nationaux. Compter sur le dévouement des fonctionnaires serait une erreur. Ceux-ci voient dans l’introduction des méthodes européennes la suppression des coutumes séculaires et peu honnêtes dont ils vivent. L’exemple des douanes impériales les effraie. Sir Robert Hart, sinologue des plus distingués, les a organisées d’une manière remarquable. Il en était le chef depuis 1863. Son grand âge vient de l’amener à remettre ses fonctions à un autre Anglais, M. Aglen, entré dans le service en 1888 et son dévoué collaborateur. Environ 1 200, Européens, de toutes les nations, assurent le fonctionnement des douanes, de la poste et des phares, avec 10 à 11 000 Chinois triés sur le volet. Les recettes versées directement dans les caisses impériales ne peuvent pas être dilapidées.