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Mais c’estoit bien vilainement :
Ils les prisent moins que néant ;
Car ils les ont pour scysmatiques[1].


Sans rien exagérer, il est permis de dire que la Papauté avait autre chose à penser que de s’informer exactement de ce qui se passait alors dans le camp français, surtout s’il s’agissait d’événemens contraires aux bons amis, le régent Bedford, le cardinal de Winchester et le Duc de Bourgogne.

Tandis qu’un des clercs français de l’entourage de Martin V écrivait, en 1429, le compte rendu enthousiaste de la levée du siège d’Orléans, le Pape lui-même était plutôt préoccupé des conséquences politiques de cet événement. On ne peut oublier que l’armée anglaise qui assiégea Compiègne était formée des troupes que le cardinal Winchester avait levées, sur l’ordre du Pape, pour faire la guerre aux Hussites[2]. Martin V protesta-t-il contre cet usage singulier des faveurs pontificales ? On ne sait. Il n’avait plus longtemps à vivre. Ayant toujours ménagé ses relations avec les deux concurrens, non sans une tendance marquée du côté d’Angleterre et de Bourgogne, il inclinait, sans doute, à fermer les yeux sur leurs dissentimens et sur les incidens de la lutte, et se sentait porté à rejeter loin de lui la complication grave que l’intervention et bientôt la capture et le procès de Jeanne soumettaient si inopportunément à la Papauté[3].

Martin V meurt le 20 février 1431, la veille du jour où Jeanne

  1. Apparition de maître Jehan de Meun, cité par N. Valois, la France et le Schisme (t. IV, p. 495).
  2. « Et disoit-on que iceulx Anglois estoient païés de l’argent du Pape ; et que icelluy cardinal les devoit mener sur une manière de gens qu’on appeloient Boesmes, ès parties d’Allemaigne ; et toutes fois furent emploies yceulx Anglois par l’ordonnance d’icelluy cardinal contre le roy de France. » Jean Chartier, dans Procès (IV, p. 81). — « L’armée du duc de Bethford feust accreuc de quatre mille Anglois que son oncle, le cardinal d’Angleterre, avoit amenée de delà la mer, soubz couleur de les mener contre les Boesmes hérites ; mais mentant ses promesses, les mist en besongne contre les François très vrays chrestiens, combien qu’ils eussent esté soudoïéz de l’argent de l’Église. Journal du siège d’Orléans (Procès, IV, p. 191). — Voyez dans Rymer (t. V, p. 424), les articles de « l’appointement conclu entre le Conseil d’Angleterre et le cardinal pour convertir l’armée de la foi en une levée contre la France. » — Cfr. Morosini (III, 137).
  3. Les Pères Belon et Balme, auteurs du livre remarquable sur Bréhal et la Réhabilitation de Jeanne d’Arc, ont probablement des raisons de porter cette appréciation sur l’attitude de Rome : « La cour de Rome, circonvenue par les mêmes procédés de renseignemens équivoques et de sollicitations puissantes, se défendit d’intervenir dans une question sur laquelle deux nations catholiques étaient divisées. » Et encore : « Suivant sa tradition de prudente expectative, Rome s’appliquait à tenir la balance égale entre les deux peuples chrétiens. » (P. 5 et 6.)