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avec humeur la déposition du Pape. Il fit arrêter quelques docteurs particulièrement turbulens et ne leur rendit la liberté qu’au prix d’une admonestation : « En vérité, vous vous en faites un peu trop accroire ; je voudrais bien savoir ce qui vous rend si hardis que de destituer un Pape sans notre assentiment. Il ne vous reste plus qu’à disposer de la couronne du Roi et de l’état des princes. Mais nous vous en empêcherons bien. »

Il est bien permis de dire que, pour les Français, il n’y avait plus ni Eglise, ni Pape, à ce moment-là, et que l’Université n’étant même pas d’accord avec l’Eglise et avec la Royauté, tout était désordre et confusion.

Il est vrai que ces journées marquent officiellement la fin de la crise, puisque le cardinal Colonna est élu le 8 novembre 1417 et que la liste régulière des Papes, interrompue depuis si longtemps, se reprend normalement et régulièrement, à partir de cette époque.

Le cardinal Colonna prend le nom de Martin V ; c’était la fin si passionnément désirée du schisme. Mais était-ce une solution pleinement satisfaisante pour les aspirations françaises ? Si on considère, dans son ensemble, l’histoire de l’Eglise à cette époque, il est incontestable que la partie se joue, surtout, entre la France et ses adversaires. On ne pouvait pas oublier, ni au dehors, ni au dedans, que la royauté française avait tenu la papauté sous sa coupe à Avignon. L’état d’affaiblissement où la France se trouve au lendemain de la bataille d’Azincourt eut, sans doute, sa répercussion sur les dispositions des électeurs du Concile et, s’ils aboutirent à nommer un pape, ce fut contre elle et tout simplement parce qu’ils la craignaient moins.

Tel est le sens visible de la manœuvre des puissances ou « nations ; » et, jusque dans le vote qui désigne le nouveau pontife, on voit les deux camps opposés mesurer leurs forces. Les seuls concurrens de Martin V, qui eurent des chances, furent des Français ou des candidats de langue française : Jacques Gelu, Jean de Bertrands, évêque de Genève, le cardinal savoyard Jean de Brogny. Mais ces prélats avaient contre eux les Italiens, les Bourguignons et surtout les Anglais. Jacques Gelu, dont on connaît les attaches avec Charles VII, déclare qu’il est le dernier à avoir voté pour Colonna. Etant données les habitudes et la prudence de ces hautes manifestations ecclésiastiques, il est facile de conclure, comme tout le démontre, que le cardinal Colonna coalisa autour de lui les forces anti-françaises du