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(François de Neufchâteau : Poème des Vosges, récité par l’auteur devant le peuple assemblé, à Épinal, le 1er vendémiaire, an V, jour anniversaire de la fondation de la République.)



… il était de ces hommes qui ont les épaules assez larges pour heurter, en passant, les deux linteaux de toutes les portes.



Si tu veux des perles, jette-toi à la mer !


III

Voici maintenant des « pensées » sur la littérature : ce sont, comme on pouvait s’y attendre, les plus nombreuses. On sera frappé sans doute de ce qu’elles ont, en général, de technique. C’est un homme de métier qui parle, qui essaie de voir clair dans sa propre esthétique ou qui raisonne sur les conditions essentielles de son art. Peu d’artistes ont été aussi consciens que Flaubert.

Pour avoir une idée complète de sa doctrine, il faudrait joindre à ces pensées les nombreuses pages théoriques qu’il a consacrées à la littérature dans sa première Éducation sentimentale[1]. Cette œuvre, composée de 1843 à 1845, et qui n’a rien de commun avec l’autre, — absolument rien que le titre, — est, dans sa seconde moitié surtout, une sorte de poème de la vie intellectuelle. Quand on pourra la rapprocher des notes qui vont suivre, on verra combien la pensée de l’écrivain, d’abord confuse et tumultueuse, s’est clarifiée, précisée et assagie, à mesure que sa réflexion et son expérience s’étendaient et se fortifiaient.



Le véritable écrivain est celui qui, sans sortir d’un même sujet, peut faire, en dix volumes ou en trois pages, une narration, une description, une analyse et un dialogue.

Hors de là, farceurs ou gens de goût : deux catégories médiocres !



La nature n’est belle que pour qui sait la voir : preuve que tout dépend du subjectif.

L’art est la recherche de l’inutile. Il est, dans la spéculation, ce qu’est l’héroïsme dans la morale.

C’est pour cela que les vrais artistes sont ceux où l’art excède.

  1. Cette Éducation sentimentale, qui fût le premier roman de Flaubert et qui contient en germe tous les autres, figurera dans les œuvres inédites.