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les vétérans de Rome, et l’on emploie les hommes à des travaux d’utilité publique : confection de routes, de ponts, etc. La valeur des terres concédées à, l’armée, à la religion et à quelques institutions s’élève à 400 millions de francs environ.

Tout l’effort du gouvernement a dû porter sur la fabrication des armes. La grosse difficulté fut d’abord de se procurer des modèles de fusils et de canons. Du côté de l’Inde, les prohibitions les plus sévères et les plus rigoureuses mesures de douane s’opposent à l’importation d’armes aux Indes d’abord et ensuite au Népal. On a dit qu’il en est venu de Pékin lorsque les Tibétains voulurent bien ne pas piller au passage les caravanes. Malgré ces difficultés, les Gourkhas sont bien armés et possèdent même de nombreux petits canons qui feraient d’excellente besogne. Ces mercenaires montagnards dont nous avons parlé plus haut servent dans l’armée anglo-indienne sous le nom de Gourkhas et constituent un de ses meilleurs élémens. Je puis apprécier sur place la différence de type entre le naturel qui vit dans la vallée, relativement basse, de Katmandou, et le soldat gourkha que je rencontrais à Kieng-Tong et ailleurs, qui vient de la haute chaîne. Ceux-ci, à la face très large, très mongolique, ne se recommandent pas, il est vrai, par leur beauté plastique. Mais quel éloge en font leurs officiers ! J’ai remarqué un peu partout, et particulièrement aux Indes, le plaisir que trouvent les officiers à vanter leurs hommes ; les plus jeunes, les plus en contact avec le soldat, y apportent une nuance affectueuse et protectrice tout à fait plaisante. Sous la froideur anglaise, elle m’a toujours paru très marquée. Le jeune lieutenant, mon compagnon de promenade, de passage comme moi à Katmandou, me parle avec conviction des recrues gourkhas de son régiment. Un nombre prodigieux d’engagés arrive chaque année, tentés particulièrement, chose qui peut surprendre, par les écoles de régimens. Excellentes recrues, durs à la fatigue, hardis et indépendans, mais fidèles, ils professent un rare mépris pour les natifs de l’Inde et se rapprochent bien plus volontiers de l’Européen. Ils l’admirent pour la supériorité de ses connaissances, pour sa force et son courage qu’ils aiment et imitent. L’officier peut toujours compter sur eux.


L’heure vient, hélas ! de quitter ce Népal qui m’a plus