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des niches, devant l’image du Bouddha, cinq par cinq, sont pieusement mis en branle par les fidèles. Les moulins à prières sont de petits cylindres fabriqués par des Newars et sur lesquels sont gravés les caractères fatidiques : Om Mani Padmé Houm ; une longue bande de papier roulée à l’intérieur les répète à l’infini. Et tout en faisant tourner le moulin sur son axe, les Tibétains murmurent la même formule connue dans tout le monde bouddhiste du Nord. Il me souvient d’avoir vu, au Ladak, les fameux moulins dont parle le Père Huc, immenses machines mues par la force hydraulique, et qui rendent la prière singulièrement facile.

Consciencieusement, comme les pèlerins, je fais le tour du sanctuaire. Un barbier opère tranquillement en plein air, à l’ombre du mur ; à côté, un pauvre homme pince les deux ou trois cordes d’une mandoline creusée dans le bois massif et joue son grand air, en mon honneur peut-être ; un jeune garçon aux longs cheveux, à la figure expressive, me suit pas à pas ; des têtes de femmes s’encadrent agréablement dans les fenêtres sculptées ; des pimens rougissent sur le sol et mettent dans l’air une éclatante gaieté.

Sur la route de retour, meilleure que celle d’aller, je rencontre le « Petit Bôdh, » réduction exacte du grand, mais qui, lui, ne domine pas le pays. Le jeune lieutenant que je devais rejoindre à une croisée de chemin ne se trouve pas au rendez-vous ; il faut s’informer ; pouchno-sahib. Des gens l’ont rencontré, il y a deux heures et voici notre hasiri, le déjeuner, qui se promène aussi à ma recherche sur le dos d’un cooly ; mon boy, qui le surveillait, remonte sur le siège de la voiture, non sans plaisir.

Pour la seconde fois, je retourne à Pashpati, où je ne sais comment mon landau parvient à passer. Dans son cadre verdoyant et pittoresque, tout à fait original, cet extraordinaire village, si je puis le nommer ainsi, me paraît enfermer plus de temples que de maisons ; il m’accueille parmi ses mandirs et ses pagodes, ses dharmsalas, ses viharas, ses dharas, ses colonnades, l’armée de ses arbres et toute une population en fête.

Ici encore, la Dessera bat son plein et je suis le mouvement de la foule. Une rivière, des ponts, des berges échelonnées, un peuple qui fait ses ablutions, toutes les couleurs sous le soleil ; le tableau est saisissant ; et puis, en face de moi, sur un grand