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aux délicieuses oreilles détachées, surmontent des façades dont toutes les ouvertures seraient des pièces de musée.

Les anciens viharas des temples bouddhiques paraissent plus nombreux dans la ville attribuée à Açoka : grandes maisons qui ont l’apparence des autres avec une grande cour de cloître à l’intérieur. Construites pour les bonzes et les pèlerins, elles sont le plus souvent occupées maintenant par des familles qui trouvent moyen d’y vivre constituées en sortes de clans. Les grandes pagodes en briques et en bois font tinter à la brise leurs clochettes, au bord des toits superposés en pyramides, toujours finement relevés aux angles, et dont le rouge ou le vert des tuiles joue, atténué dans la lumière, avec les cuivres dorés, parmi les colonnades et les décors de bois brun. Bien qu’aucune d’elles, ici comme à Bhatgaon, ne soit antérieure au XVe et même peut-être au XVIe siècle, on les rattache volontiers à l’architecture en bois que l’Inde a connue avant les monumens de pierre.

Ce qui donne à Patan un aspect vraiment féerique, ce sont, mêlés à ses pagodes toujours variées, ces blancs mandirs de pierre dressés sur leurs terrasses en gradins, comme à Bhatgaon, mais plus importans, plus parfaits encore et moins surchargés d’animaux symboliques. L’influence hindoue y est indéniable, bien qu’ils gardent un cachet d’originalité tout à fait remarquable. Le temple de Râdha-Krichna[1] serait, en tout pays, une merveille. Ses étages en retrait l’un sur l’autre, ce qui me paraît être le caractère dominant de l’architecture du Népal, développent leurs colonnades aériennes en trois lignes de pavillons superposés, sous une élégante pyramide côtelée, surmontée de clochetons de cuivre qui s’achèvent en lune et en lotus.

Isolées en face des temples, les colonnes monolithes, plus fréquentes encore qu’à Bhatgaon, mettent une originalité de plus dans les décors. Le Garouda, l’être fabuleux couvert de plumes, à la tête d’oiseau, aux membres humains, le vahana de Vichnou, sa monture consacrée, sous ses ailes d’or regarde le Râdha-Krichna. Ailleurs, des groupes de bronze doré surmontent des chapiteaux en forme de large lotus. C’est un raja en prière à l’abri d’un cobra sur lequel un petit oiseau se pose, ou

  1. Krichna est une personnification de Vichnou. Râdha est la principale des bergères parmi lesquelles le fait vivre la légende.