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et qui me fait un salut empressé ; un autre jour, c’est le Maharaja, premier ministre, accompagné d’une trentaine de cavaliers et d’un nombre plus considérable d’hommes à pied courant à sa suite, le fusil à la main. En me demandant s’il ne régnerait pas une certaine défiance dans les relations de la famille princière, je me souviens qu’à son retour d’Europe, Chander Shum Sher tint secret le jour de son entrée à Katmandou et s’arrangea même pour y arriver à une heure matinale et imprévue.

Ce qui donne, au premier abord, un aspect moderne à la capitale du Népal et ce qui surprend vivement à l’arrivée, avant qu’on ait pénétré dans la vieille cité, ce sont ces luxueux palais blancs mi-européens, mi-orientaux, de style bâtard et un peu tapageur. Ils enveloppent d’un côté, à belle distance, le champ de manœuvre, le Tandi Khel ; d’un autre côté, se groupent les ateliers militaires, les casernes, l’arsenal, la fonderie de canons ; d’un autre encore, les écoles pour garçons et filles, l’école supérieure, Durbar School, où l’on enseigne le sanscrit et l’anglais ; les hôpitaux pour hommes et pour femmes.

Le vieux temple de Mokental, en dehors de la ville comme les établissemens modernes, est très achalandé. Bouddhistes, Çivaïtes et Vichnouïtes s’entendent pour s’y trouver chez eux. les Bouddhistes veulent voir dans le Civa brahmanique un ancien Bouddha, par l’effet de ce mélange intime qui ne permet pas toujours de reconnaître aux symboles le culte dont relève le temple.

La Dessera a fait le vide dans les maisons d’éducation, et les établissemens de charité, si étonnamment installés à l’européenne, sont délaissés aussi à cause de la fête. Nous ne sommes pas à la saison où l’état sanitaire laisse le plus à désirer et tous les malades qui le pouvaient sont retournés chez eux. L’infirmité la plus fréquente est le goitre ; ils m’apparaissent si énormes qu’il ne me souvient pas d’en avoir jamais vu de pareils. Les affections des yeux ne sont pas rares, effet de la malpropreté probablement ; et nombreux sont les cas de cataracte. La fièvre ne sévit qu’au Téraï et l’on en meurt avant d’avoir eu le temps de tenter un remède. Les opérations chirurgicales ne sont pas inconnues au Népal. Les Tibétains viennent volontiers se faire vacciner à Katmandou ; il en descend même de Lassa. Une femme médecin, venue du Bengale, dirige l’hôpital des femmes ; un docteur, Bengali également, dirige celui des hommes.