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belles gargouilles aux têtes d’animaux, en cuivre doré, étincellent au soleil à côté des vases luisans et des torses nus. Le général Bhim Sena, le sage administrateur qui gouverna trente-trois ans le Népal et dont nous connaissons la fin tragique, fut le créateur de ces deux monumens vers 1825, quatorze ans avant sa mort, au beau temps de sa plus grande puissance.


Je songe à commencer mes excursions à travers le pays.

Une visite matinale en compagnie du colonel Macdonald nous conduit à Baladgi, à quelques milles de Katmandou. Le site est charmant avec ses murailles claustrales percées à jour ; à travers l’entrelacement des baies, on aperçoit des champs silencieux et verdoyans où se cachent quelques modestes mandirs. A l’entrée du village, nous descendons de voiture, et nous nous engageons sous une haute et épaisse futaie dont le mystère abrite une grande vasque de verdure, au milieu de laquelle baigne Narayana, couché sur un lit de cobras dont les neuf têtes redressées auréolent la tête du dieu colossal en marbre noir. C’est une réplique du Narayana de Nilkanta qui se trouve dans les limites du territoire que le Roi n’a pas le droit de franchir ; car, jadis, le pieux Pratapa Malla, ayant amené au Palais royal l’eau sacrée, décréta que les rois du Népal ne devraient plus, s’ils tenaient à la vie, paraître dans la région de la source sacrée.

A côté de ce sanctuaire de Narayana dont la statue a la signification religieuse d’un temple, se trouve un vaste réservoir, un tank rectangulaire, appuyé d’une part à la colline, maintenu de l’autre par un mur de soutènement de dix mètres de haut, couronné par une spacieuse terrasse d’où l’on domine une succession de prairies qui s’étendent en pente à perte de vue. A chaque extrémité de la terrasse, deux escaliers conduisent à la fontaine. Dans le bas, ce mur est décoré d’idoles assises dans un cadre en haut relief, au pied desquelles, par vingt et une gargouilles fantastiques en cuivre doré, chères à tous les peuples jeunes, l’eau jaillit et s’écoule, par de gais canaux qui miroitent au soleil, dans la rivière dont une rangée d’aulnes dessine le cours au milieu des prés. C’est la plus grande et la plus pittoresque de ces pranali, dont le nom hindou désigne le canal par lequel l’eau s’écoule, et que j’entends nommer dhara dans