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s’étendait si loin que Vichnou et Brahma en recherchèrent chacun de son côté les limites. Or, ils ne les pouvaient trouver, car c’était la lumière qui traverse les sept firmamens au-dessus et au-dessous de la terre. Vichnou et Brahma ayant fini par se rejoindre, le premier déclara qu’il n’avait pas trouvé le terme de la lumière, et le second prétendit l’avoir dépassé. Vichnou, mis en défiance, demande des témoins ; Brahma produit Kamdhenou, et la vache céleste corrobore par sa bouche l’assertion de Brahma, mais secoue la queue en signe de dénégation. Vichnou a compris ; il décrète dans sa colère que l’image de Brahma ne sera nulle part adorée en ces lieux, puis déclare la vache impure par la bouche et sacrée par la queue. C’est à ne plus oser manger de langue de bœuf !

Le meurtre de l’animal, devant lequel chacun s’écarte respectueusement dans le bazar, est puni de mort, et la moindre violence commise sur lui se paie de l’emprisonnement à vie. On me citait jadis, au Kachmir, le cas d’un homme enfermé à perpétuité dans la forteresse de Srinagar pour avoir, dans un moment où il mourait de faim, mangé un morceau de sa propre vache morte de maladie. Les Gourkhas ont dû lutter, longtemps encore après les Mallas brahmanistes, pour imposer aux Newars autochtones du Népal la vénération de leur animal sacré.

En face du Swayambhounath, les dernières lueurs du couchant font étinceler, assises sur leurs hautes colonnes, les statues en cuivre doré des deux déesses qui présidèrent à l’écoulement des eaux. Elles sont nimbées d’une fleur de lotus, elles tiennent une fleur de lotus à la main, elles reposent sur la fleur du lotus épanouie qui forme le chapiteau de la colonne. Tout autour de l’antique tchaitya sont disposées en une ligne circulaire des lampes de cuivre en forme de coupes. De-ci, de-là, des secoundahs, petites cruches à huile, récipiens et lampes à la fois, sont munis à l’avant d’une coupelle pour recevoir la mèche ; une petite cuillère appropriée sert à prendre l’huile ; en arrière, sur l’anse aux formes diverses, se hausse toujours l’idole. Des pdnus, sortes de hauts chandeliers très variés et finement ciselés, spéciaux au Népal comme les secoundahs, sont placés à côté. Avec l’huile et la mèche de la lampe, le plateau creusé qui les surmonte reçoit le plus souvent la mourtti', idole qui est tout un tableau. Quelquefois aussi le pdnus porte un