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semblant, un jour, d’aller à aucun « esbat » et, « sans le sçu du Roi ne prendre congé de luy, » elle se met à la tête de quelques gens d’armes et part. La connexité des faits est exprimée dans un texte très précis et qui traduit, tout au moins, l’opinion du temps : « La Pucelle très mal content des gens du conseil du Roy sur le fait de la guerre, partit de devers le Roy et s’en ala en la ville de Compiengne sur la rivière de Oyse[1]. »

Elle se rapproche de Paris par Lagny-sur-Marne, Melun qui est occupé par les Anglais ; elle pousse sa pointe jusqu’à Senlis. Là elle se renseigne (24 avril). Elle vient voir ce qui se passe aux approches de la capitale.

Le Duc de Bourgogne avait mis à profit le délai que lui laissaient les négociations poursuivies avec la Cour de Charles VII. Tandis que l’expiration des trêves était reportée de la Noël jusqu’au 15 mars et du 15 mars au 15 avril, il préparait la campagne de l’Oise et de l’Aisne. Ayant obtenu, en mars 1430, les comtés de Champagne et de Brie, il n’avait plus qu’à compléter l’investissement de Paris par le Nord. Il levait l’armée la plus considérable qu’il eût encore mise sur pied et combinait son action avec celle des Anglais, suivant le programme qu’il avait tracé lui-même.

Le cardinal de Winchester avait passé le détroit, dès la fin de l’été précédent, pour tout arranger avec le duc. Il avait amené une armée, levée des deniers du Pape pour faire la guerre contre les Hussites, et l’employait tout bonnement aux affaires de France[2]. Henri VI devait, à la tête de ses troupes, opérer dans le Nord et marcher sur Reims pour s’y faire sacrer.

Ainsi secondé, Philippe le Bon n’avait plus qu’à réduire Compiègne à l’obéissance. On comprend, maintenant, l’importance du siège. Compiègne est vraiment le nœud. La Chronique anonyme, rédigée par un Bourguignon, s’exprime avec la plus grande netteté sur les intentions et les motifs du duc. « En ce temps durant, furent plusieurs grands consaulx tenus des ambaxateurs des princes sur le fait de la paix, et les trièwes et abstinences ralongiés jusques au moix de march ensuivant.

  1. Perceval de Cagny, dans Procès (IV, p. 31).
  2. Procès (IV, 81). — Voyez dans Rymer (t. X, p. 424) les articles de l’appointement conclu entre le conseil d’Angleterre et le cardinal, à la date du 1er juillet 1429, pour convertir l’armée de la foi en une simple levée destinée à renforcer les armées de France (ibid., p. 191).