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Thomas de Courcelles est, peut-être, par l’intelligence, l’autorité et le caractère, l’homme le plus important de l’Université parisienne, dans la génération qui suit J. Gerson. Jeune encore, il paraît avoir fait, à Rouen, office surtout de rédacteur et de secrétaire : c’est un zélé.

Il est partout, lit les articles de l’accusation, travaille au réquisitoire, visite Jeanne avant la mort, dépose encore, à son sujet, après qu’elle a été brûlée ; il traduit les procès-verbaux du procès dans un latin exact et qui paraît honnête, quoique prudent pour lui-même. Sa vie, par la suite, s’écoule dans les services publics et dans l’étude. Comme tant d’autres de ces juges iniques, il fut un des Pères considérables du Concile de Bâle ; il y joua un grand rôle et reçut même le chapeau de Félix V[1]. Il finit par se réconcilier avec la Cour et, trente ans plus tard, ce grand savant, ce grand théologien, fut chargé de l’oraison funèbre de Charles VII, qu’il avait harangué déjà à son entrée à Paris. Il mourut « dégoûté des hommes et tout en Dieu, » simple chanoine de la cathédrale de Paris, en 1469. Il ne lui a rien manqué, pour être une des gloires de l’Eglise gallicane, pas même la vertu et le désintéressement,… Et il fut un des juges de Jeanne d’Arc ! Sa pierre tombale le montre, l’index replié, argumentant jusque dans la mort, comme s’il avait pris à tâche de s’expliquer éternellement et de justifier son cas devant Dieu.

Nicolas Midy ; celui-ci cumule tout : les titres et les bénéfices, les violences et les hontes. Dès 1416, simple bachelier, il apparaît, dans les délibérations du Conseil de l’Université, pour soutenir la cause du Duc de Bourgogne dans l’affaire des thèses de Jean Petit. Il est recteur en 1418 ; le 21 avril 1431, c’est lui qui, au nom de l’Université, parle à Henri VI entrant à Paris. Cette manifestation oratoire trouve aussitôt sa récompense ; quinze jours après, le 4 mai 1431, Henri VI le fait nommer, par droit de régale, à un canonicat vacant au chapitre de Rouen. Son ami, Nicolas Loiseleur, prend possession et lui-même s’installe le 19 mai, onze jours avant le supplice de la Pucelle. Le chapitre lui fait remise des annates « par grâce spéciale, attendu les services rendus par lui à l’Eglise. » En effet, c’est lui qui rédige les douze articles (forfait dans le forfait) ; c’est-lui, avec son camarade Beaupère, qui invective Jeanne le plus violemment

  1. N. Valois, le Pape et le Concile (II, p. 192)