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aux hostilités qu’il jugeait inévitables. Charles VII et Bedford lui offraient toujours plus, alternativement et simultanément ; et il promettait avec la même conscience, à l’un et à l’autre, tout ce qui pouvait leur être agréable : les paroles ne lui coûtaient pas. A chaque nouvelle exigence, chacun des partenaires rivaux faisait de nouvelles concessions.

Après avoir reçu, en octobre 1429, la lieutenance générale du royaume, il négocie tout l’hiver avec Bedford pour obtenir les comtés de Champagne et de Brie ; ces deux provinces, qui le mettent aux portes de Paris, lui sont accordées par lettres du roi Henri, datées du 8 mars 1430. Ainsi, il achevait, par des contrats dûment scellés, l’union de tous ses Etats et constituait le vaste Empire allant de la mer à la Savoie et de l’Alsace aux duchés de Bourbonnais, de Berry et d’Orléans, — une immense Lotharingie. L’alliance anglaise avait, décidément, des argumens irrésistibles. Quant à Charles VII, il n’avait plus rien à céder que sa couronne.

Pourtant, il fallait le tenir en son sommeil quelque temps encore ; rien de plus facile : on lui promit la paix. Il fut entendu que des conférences ayant en vue un arrangement général s’ouvriraient à Auxerre, le 1er avril 1430. Toutes les parties belligérantes devaient assister à ce congrès solennel ; le Duc de Bourgogne y viendrait en personne et amènerait son beau-frère le duc de Bedford ; les conférences s’ouvriraient sous les auspices du duc de Savoie et en la présence de cardinaux légats du Pape. Cette fois, c’était juré.

La vérité est que le duc avait un dernier effort à faire, une dernière réalisation à obtenir pour achever son œuvre ; il restait un anneau à souder, un nœud à boucler, — sinon le chapelet, inachevé, risquait de s’égrener.

Pour compléter l’union du domaine bien récent encore, qui pour une bonne partie n’existait que sur le parchemin des traités, il était absolument nécessaire d’assurer les communications entre la Flandre et Paris, c’est-à-dire entre les Etats de domination propre et ceux qui dépendaient de la lieutenance générale concédée par le roi Henri.

Or, une ligne de places restées fidèles à la cause française faisait barrière. Creil, Senlis, Pont-Sainte-Maxence, Compiègne, Soissons, commandant les ports et les passages de l’Oise et de l’Aisne, le séparaient de la capitale. Il n’avait donc qu’une pensée,