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Maître des requêtes, vidame de Reims, archidiacre de Chartres, chanoine de Reims, de Châlons, de Beauvais, chapelain de la chapelle des Ducs de Bourgogne à Dijon, bénéficié à Saint-Clair au diocèse de Bayeux, Cauchon est de tout, touche à tout, touche partout. Nommé, en 1419, référendaire du pape Martin V, qu’avec son collègue, Martin Porée, il a grandement contribué à porter sur le trône pontifical. C’est à lui, sans doute, ainsi qu’à d’autres prêtres simoniaques et politiques que pensait J. Gerson dans un de ces discours où il peignait l’État de l’Église : « N’est-ce pas une abomination de voir tel prélat qui possède deux cents bénéfices ou tel autre qui en possède trois cents ?… Pourquoi les évêques, les abbés et les moines sont plutôt officiers de l’État que de l’Église et ne s’occupent que de siéger dans les Parlements[1] ?… » Cauchon laissait dire ; il attendait ses bulles épiscopales.

Par l’influence du Duc de Bourgogne, il est nommé au siège de Beauvais, et se trouve ainsi « pair ecclésiastique du royaume, » fin 1420. Le Duc de Bourgogne se rend exprès à Beauvais pour assister à l’entrée de l’évêque, sa créature, et s’incline devant la bénédiction épiscopale. Pour le fils des vignerons de Reims, c’était un beau rêve.

Episcopat troublé : qu’importe[2] ! Un évêché est un moyen d’action, une recette. Dans son diocèse, et notamment à Compiègne, Cauchon agit très vivement contre le parti français. Mais il s’emploie, surtout, hors de son diocèse, selon ses aptitudes de juriste, de politicien et de diplomate. Après la mort de Henri V, il se donne au duc de Redford et se lie, en particulier avec Louis de Luxembourg, nommé chancelier du royaume de France. Ce qu’il guette, maintenant, c’est quelque emploi de cette sorte, quelque haute fonction usurpée dans le désordre du royaume. Dès 1423, il est membre du Conseil de Henri VI et chancelier de la reine d’Angleterre. Il est chargé, au nom du parti anglais et bourguignon, des grandes affaires ecclésiastiques et notamment des tractations avec Rome.

Il sait combien il importe de gagner la Papauté à la cause

  1. J. Gerson, Sermo de tribulationibus et defectuoso ecclesiastico regimine.
  2. Un fort parti de Français, commandé par Jeannin Galet, s’était installé, dès 1425, aux portes de Beauvais, et bloquait, pour ainsi dire, la place où il avait des intelligences, notamment au couvent des Cordeliers. Lefèvre-Pontalis, Bib. Éc. des Chartes, a° 1896 (p, 271).