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à blanc estoc, la coupe en jardinage, la coupe à tire et aire, dit : « La première s’appliquera aux pineraies et aux sapineraies. » Et il ajoute : « Ces trois modes d’assiette remontent à la plus haute antiquité, c’est-à-dire qu’ils sont consacrés par l’expérience, et qu’on ne saurait les remplacer par d’autres pratiques, soi-disant perfectionnées, sans danger pour les intérêts et la sécurité du propriétaire. » Boppe et Jolyet, successeurs de Puton, ne sont pas moins positifs : « La coupe rase convient aux essences à graines ailées et légères, mélèzes, épicéas, pins de montagne, les vents se chargeant d’installer sur le parterre de leurs coupes des semences, provenant des peuplemens voisins, qui germent et s’installent en plein découvert. »

On se laisse influencer par la législation suisse : nous allons le voir, les interdictions qu’elle prononce ne sont ni générales, ni absolues. La loi fédérale du 11 octobre 1902 restreint bien le droit à la coupe rase, mais dans les forêts dites protectrices seulement, c’est-à-dire celles qui sont comprises dans les bassins de réception des torrens ou celles qui protègent des lieux habités contre les avalanches et les éboulemens. L’article 18 dit simplement : « En règle générale, les coupes rases sont interdites dans les forêts protectrices, » et l’article 29, le plus important, ne prononce même pas le mot « interdiction. » Il prescrit seulement aux cantons « de veiller » à ce qu’en forêts protectrices particulières, aucune coupe rase ne soit pratiquée « sans la permission de l’autorité cantonale. » Ce sont là des mesures plutôt platoniques. Chacun s’abstient spontanément, dans la situation des forêts protectrices telle qu’elle est définie plus haut, de faire coupe rase, sachant combien les massifs supérieurs, que d’autres massifs ne couronnent pas, se régénéreraient difficilement après la mise à nu totale de leur aire.

L’autorisation donnée aux grandes sociétés de crédit de concourir aux œuvres forestières serait-elle la panacée qu’on promet ? Nous ne le pensons pas. L’économie forestière enseigne, en effet, que les placemens en forêts, vu la sécurité qu’ils procurent, méritent d’être calculés au même taux que les rentes sur l’Etat, d’où l’habitude d’en capitaliser les revenus à 3 pour 100, déduction faite des frais de garde et d’impôt. Si des sociétés financières achetaient des forêts en pleine production, elles seraient obligées de les payera des prix correspondant à ce taux et sans être certaines, avec les frais qui leur incomberaient,