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par un ennemi acharné, le pâtre. L’établissement des forges catalanes n’a pas dans les Pyrénées, plus qu’ailleurs, provoqué de déboisemens. Leur avènement a été au contraire un bienfait. Elle a apporté le moyen de tirer parti des taillis, a attaché à leur conservation, et a conduit à les aménager ; et, depuis que la fabrication du fer a été révolutionnée par la houille, on vise à transformer ces mêmes forêts en futaies. Froidour, grand maître des Eaux et Forêts de Louis XIV, a laissé, il est vrai, des lettres où il s’afflige des coupes de sapins ordonnées à Melles par Colbert pour approvisionner la flotte. Comme en tout forestier, il y avait en lui un poète et un économiste. Ecrivant à ses amis, l’artiste se lamente et l’administrateur s’oublie. Mais ce sont là des propos sans portée. Et si ses plaintes offrent de l’intérêt aujourd’hui, c’est seulement pour prouver que la forêt est impérissable, car à Melles, sur l’emplacement même des exploitations de Colbert, existent, après avoir été coupés déjà une autre fois entre 1670 et nos jours, de superbes massifs qui font encore la parure de ce territoire. Quant au pâtre, quels méfaits lui reprocher, puisque partout la forêt existe où elle peut exister, à d’infimes détails près, et qu’enfin tous les pâturages de la région sont beaux ?

On qualifie de destructives toutes exploitations privées de quelque importance, et l’on cite particulièrement celles qui ont été commises ou commencées depuis dix ans à Saint-Cergues, à Doussard, à Thorens, à Sainte-Catherine, en Haute-Savoie ; à Saint-Hugon, Isère ; au Lioran, au Bois-Noir, à Saint-Amandin, dans le Cantal ; à Sost, Hautes-Pyrénées ; à Counozouls, dans l’Aude. Cependant elles n’ont fait ou ne font que réitérer ce qui a toujours eu lieu sur les mêmes emplacemens.

Comme conséquence de celle de Saint-Cergues, un orage du 27 mai 1904 aurait causé 500 000 francs de dommages sur le territoire seul de cette commune. Voici ce que m’a dit le maire : « L’inondation du 27 mai 1904 n’a pu être attribuée à l’exploitation dont il s’agit que par des personnes qui ne se sont pas donné la peine d’examiner les lieux. Ce soir-là, il tomba sur la montagne un sac d’eau qui enfla tous les ruisseaux. Mais dans les communes voisines où les forêts sont soumises au régime forestier, et la pente plus douce, l’inondation causa autant de dégâts qu’ici. Nous n’eûmes aucun accident de personne, pas de maisons démolies. De petites caves envasées, des bordures de champs couvertes de sable ou de limon, 4 à 5 000 francs de perte : ce