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des milliers d’hectares. L’infiltration des eaux de l’Isère, occasionnée par l’exhaussement des graviers, a stérilisé sur les 66 kilomètres du Graisivaudan des propriétés d’une valeur de 66 millions. Le Drac et l’Isère, vers leur confluent, élèvent si rapidement le niveau de leurs lits qu’avant un siècle, Grenoble sera détruit. Les canaux dérivés de la Durance, par suite de déboisemens récens, ne fournissent plus la quantité d’eau dont on a besoin. Il y a en France 1 500 torrens en activité, deux fois plus que dans tout le reste de l’Europe. Dans les seules Alpes françaises, 200 000 hectares sont soumis à leurs ravages. — Les dommages produits par les inondations du Midi, en automne 1907, ont atteint 200 millions. »

Comment les riverains des bassins de la Loire et de la Garonne auraient-ils pu supporter en cent cinquante ans une perte de 3 milliards, soit de 3 333 francs par kilomètre et par an, le développement de ces fleuves et de leurs principaux affluens étant de 6 000 kilomètres, alors que l’année même qui suit chaque inondation, à peine en aperçoit-on la trace ? Se rend-on compte que l’effondrement de 6 à 8 000 maisons correspondrait à la destruction de 6 à 8 villes de 10 000 âmes ?

Il ne se manifeste nulle part de glissemens autres que ceux d’infimes superficies, qui méritent à peine d’être notés. En Graisivaudan, il n’existe, à présent comme autrefois, sur toute la largeur de la vallée, que des cultures florissantes, exposées sans doute à des infiltrations résultant des digues, mais que de petits canaux latéraux concentrent et rendent ainsi fécondes. Dans l’Isère, à Grenoble, pas de trace d’exhaussement depuis cent ans ; et si cette rivière, un peu en aval de la ville, et le Drac, un peu en amont, ont élevé naguère le niveau de leur lit, ce phénomène est en train de disparaître et de faire place actuellement à un creusement prononcé.

La diminution des services des canaux de la Durance donne lieu à une supposition toute gratuite. Ces canaux datent de cinquante ans. Depuis, l’État a acquis dans le bassin de cette rivière 60 000 hectares qu’il boise tant qu’il peut ; il y en a 15 000 de conquis ; d’un autre côté, je connais assez ce bassin par ses archives, ses cartes anciennes, ses traditions et par des excursions répétées pour oser avancer sans crainte qu’il n’y a pas un seul hectare de bois, ni communal, ni particulier, qui en ait disparu depuis des siècles. L’amoindrissement du débit de la