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secours, l’entrée en ligne de puissantes armées bourguignonnes ; il doit envoyer le cardinal de Winchester pour régler, avec le Duc de Bourgogne, toutes les conditions de l’action commune. Des ambassades se rendront dans la plupart des pays de l’Europe pour obtenir les concours matériels et moraux qui permettront d’enserrer l’adversaire. Un programme général de l’armement et des subsides nécessaires est établi.

Mais, quand il s’agit de disposer du résultat éventuel de la victoire, c’est du côté des vieilles ententes entre seigneurs français qu’on se retourne. On en revient à l’accord Bourgogne-Bretagne-Richemont, c’est-à-dire au consortium des maisons apanagères, combinaison qui, seule, offre tous les avantages, avec les moindres risques, au chef naturel de ces maisons insurgées contre la branche aînée, le Duc de Bourgogne. On soumet les princes de la famille royale aux mêmes tentations et on escompte, de leur part, les mêmes retournemens. Négocier d’abord avec le duc de Bretagne et lui offrir le Poitou ; négocier avec Richemont et lui offrir, outre la connétablie au nom de Henri VI, le duché de Touraine, le comté de Saintonge et d’Aulnis et la ville de La Rochelle, en outre toutes les possessions et seigneuries du sire de La Trémoïlle dans ces régions (digne récompense réservée au zèle « bourguignon » du favori ! ) ; charger Richemont, à qui on fournira hommes et troupes pour cela, d’insurger tout le pays et d’occuper les villes de la Loire, du Berry, de la Charente et des marches vers le Languedoc ; lui confier le soin d’aider les Anglais dans le Bordelais, le Sud-Ouest, etc., etc.

Philippe, bien entendu, ne s’oublie pas. Ses sujets ne sont pas tenus de faire la guerre pour autrui. Aussi, le roi Henri VI doit, pour les contenter, bailler au dit duc, outre les fortes sommes stipulées et prévues pour mettre sur pied les armées nécessaires, « aucune grande seigneurie notable et telle que à son état appartient, dont lui et ses dits vassaux et sujets fussent contens, pour la tenir en héritage pour lui et ses hoirs… » Enfin, « puisque mondit sieur Duc de Bourgogne a autour de lui aucuns grands seigneurs qui peuvent beaucoup pour la conduite et exécution de ces matières et qu’eux-mêmes ont grande puissance (Jean de Luxembourg, Antoine de Vergy, etc.), le Roi leur pourroit donner, chacun selon leur état, aucunes autres seigneuries afin de les attirer et de les engager et aussi ceux qui sont de leur suite… »