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qu’on ferait bien de bâtir une maison de prières : il y expliquerait l’Evangile et y suppléerait à l’insuffisance du pasteur : « Qu’adviendrait-il de nous, si les sectaires qui parcourent le pays nous arrivaient avec un nouveau baptême et une nouvelle communion ? » Mais la maison de prières n’est pas ouverte que ce bon luthérien d’instituteur doit y céder la place à tous ses anciens élèves qui se sentent aussi directement inspirés par Dieu que Luther lui-même. Les vocations de réformateurs n’attendaient qu’un berceau pour naître. Qui les contrarierait ? L’esprit ne souffle-t-il pas où il veut ? « Dimanche dernier, dit un petit homme trapu, mais d’extérieur bénin, comme j’étais assis au milieu de mes gens, l’Esprit descendit en moi. Nous n’étions pas sortis à cause du verglas et nous soupirions après la parole de Dieu. C’est alors qu’il me fut révélé que j’étais capable de parler moi-même… » « Il ajouta qu’il était étonné que le don de prêcher fût tombé sur une personne aussi humble que la sienne. »

Que voulez-vous lui répondre, au petit homme bénin ? Il a raison. Et c’est l’Eglise luthérienne qui avait tort lorsque, appuyée sur le bras séculier, elle l’emprisonnait ou le reléguait dans une maison de fous. En 1725, l’Eglise suédoise promulguait ses fameux Placards contre les conventicules qui interdisaient, sous peine d’amende, d’emprisonnement ou d’exil, les réunions religieuses, c’est-à-dire la libre explication de la Bible. On en fit une si dure application qu’en 1762 le roi Adolphe-Frédéric et en 1822 Bernadotte se virent obligés de rappeler au procureur général que les affaires de religion « étaient d’une nature délicate » et méritaient quelque clémence. Mais, durant tout le XVIIIe siècle, les condamnations avaient sévi. En 1780, huit personnes, près du diocèse de Lund, furent enfermées dans l’asile des aliénés de Danvik. Leur folie consistait à imiter la première congrégation apostolique de Jérusalem, où tout était en commun. Ils se faisaient un crime de fumer, de priser ou de boire. Ils ne fermaient jamais leur porte, car se barricader chez soi est un signe de défiance à l’égard du Seigneur dont la Bible nous dit qu’il garde la maison. Le chef de leur communauté, Ake Svensson, avait été frappé de la vérité divine en lisant un livre d’édification et, comme il considérait que la main du pasteur, ce suppôt du diable, souillait les sacremens, il administrait lui-même la Cène dans leurs assemblées familiales. A la