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Rituel où votre âpre biblisme se fond à la tiédeur d’une brise évangélique. Dieu tout-puissant, direz-vous, qui as fondé le mariage en honnêteté et en dignité parmi les hommes, regarde avec douceur cette femme qui a manqué à ton ordre et qui a si légèrement rompu tes commandemens. Pardonne-lui ce péché et fais-lui la grâce de mener une vie chaste… »

Mais l’Eglise de Suède, qui assurait à ses prêtres un pouvoir presque illimité, les défendait mal de l’énervement du bien-être et des sollicitations du vieil optimisme Scandinave. Elle n’avait point la ressource des ordres monastiques dont on a si bien dit que l’Eglise romaine infusait un peu de leur esprit à son clergé chaque fois que la société civile menaçait de l’englober. Un des premiers pasteurs de la Réforme suédoise poussa l’orgueil de l’émancipation et la revanche de la continence catholique jusqu’à se remarier cinq fois. Il faut plaindre au moins ses quatre premières femmes, qui furent traitées par lui comme des thèses d’argumentation ; mais je me demande ce qui pouvait rester de sacerdotal chez cet infatigable Viking. Et l’on peut se poser la même question quand on songe au clergé suédois de la fin du XVIIIe siècle et du commencement du XIXe. Non seulement beaucoup de ses membres suivaient trop souvent les exemples d’intempérance que leur donnaient leurs paroissiens et titubaient avec leur paroisse ; mais la Suède très scolastique, qui associait l’idée de science à l’idée de religion, ménageait de temps en temps aux professeurs des Universités un délassement dans une cure de pasteur, et intronisait ainsi au cœur de son Eglise un rationalisme où s’appauvrissaient les croyances. Ce fut alors qu’on entendit dans la chaire des temples des sermons sur la manière de teindre la laine ou sur l’utilité de placer les cimetières en dehors des villes. Le jour de l’Epiphanie, on traitait la question du mouvement des astres, ou l’on discutait si les mages venaient de la Perse ou de l’Arabie. A la fin d’une série de conférences, un théologien d’Upsal recommandait aux étudians « de bien soigner leur corps pendant les vacances, car, à tout prendre, c’est la seule chose que nous soyons sûrs de posséder. »

Alors le grand poète et le grand humaniste Tegnér, professeur de grec à Lund, et, de ce fait, nommé évêque de Vexiœ, répétait que l’orthodoxie était la faillite de la raison en même temps que du christianisme et s’écriait : « Il nous faudrait