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a vidé certains mots de leur sens antique : sunt verba et voces.

La discussion de toutes les lois ci-dessus énumérées était certainement susceptible de remplir la session du Parlement britannique, et on aurait pu dès lors traiter provisoirement par prétérition la réforme constitutionnelle qui a dressé l’une contre l’autre la Chambre des Communes et la Chambre des Lords. Peut-être même était-ce un de ces cas où le silence est d’or. Le gouvernement en a jugé autrement. A la suite d’un conseil tenu, dit-on, le 6 juin, les ministres ont résolu de convier les chefs du parti unioniste à une conférence où on essaierait de se mettre d’accord. Lorsque la nouvelle s’en est répandue, elle a été accueillie d’abord avec quelque incrédulité ; les hostilités étaient si violentes de part et d’autre au moment de la mort du roi Edouard, qu’on avait peine à y croire ; mais les manifestations publiques qui se sont presque aussitôt produites ont montré qu’il y avait quelque chose de changé dans la situation. En effet, au déjeuner de la Tariff Reform League, M. Walter Long, ami de M. Balfour, a prononcé les paroles suivantes : « Une ombre de deuil couvre encore l’Empire. Peut-être en sortira-t-il quelque règlement de la grande question constitutionnelle qui maintenant occupe la pensée de tous nos compatriotes, règlement qui, si le Roi avait vécu, n’aurait pas été possible. Je ne puis dire si semblable espérance correspond à la réalité ; il ne nous appartient pas, puisque nous ne sommes pas responsables, de prendre pareille initiative. C’est à ceux qui ont la charge du gouvernement qu’il convient de parler ; mais je puis dire qu’éventuellement leur effort trouverait chez les représentans de l’opposition de Sa Majesté une réponse empressée, bienveillante, patriotique. » Sous les réserves de forme dont il s’enveloppe, ce langage est très significatif : il signifie que, si on lui tend un rameau d’olivier, le parti conservateur est tout disposé à l’accepter et à répondre par des sentimens de conciliation aux sentimens analogues dont une pareille démarche serait le témoignage. Les paroles de M. Walter Long ont été à coup sûr soigneusement pesées. Si le roi Edouard avait vécu, a dit l’orateur unioniste, un règlement amiable n’aurait pas été possible : il faut voir là l’intention manifeste d’attribuer le changement d’attitude qui se prépare à la pensée de loyalisme dont nous avons parlé plus haut. L’opinion britannique en appréciera tout le prix. Chacun des deux partis s’efforcera de s’en attribuer le mérite, et chacun sera sincère dans l’expression de ce sentiment.

Il est néanmoins permis de croire que la volte-face d’aujourd’hui est due encore à d’autres motifs. Le pays est plus sage que les hommes