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l’histoire, elles révolteraient les consciences aujourd’hui, personne assurément n’a l’idée de les renouveler. Mais un vieux protocole continue d’en parler le langage dans de rares circonstances et, par exemple, lorsque le Roi, en montant pour la première fois sur le trône, est appelé à prêter serment. Il jure alors, comme « défenseur de la foi, » de défendre les croyances du pays, ce qui est naturel et légitime puisque l’Église et l’État ne sont nullement séparés en Angleterre ; mais il va plus loin et qualifie de « superstitieuses » et d’ « idolâtres » certaines croyances ou pratiques catholiques, comme « l’invocation et la vénération de la Sainte Vierge et de tous les autres saints ou saintes, de même que le sacrifice de la messe tel qu’il est actuellement pratiqué dans l’Église de Rome. » Quand on lit le texte d’un pareil serment, on se croit transporté à plusieurs siècles en arrière, et la première pensée qui vient à l’esprit est de se demander : A quoi bon ? Cela n’est bon à rien assurément ; les protestans n’y trouvent aucun réconfort pour leurs croyances et les catholiques seraient en droit d’y voir une injure pour les leurs, s’ils ne savaient pas que ces expressions archaïques ne tirent pas à conséquence et qu’elles ne sont, dans le serment royal, qu’une de ces survivances historiques dont les Anglais respectent la forme et négligent le sens. Si le texte du serment n’est pas modifié, il ne faudra pas s’en émouvoir ; s’il l’est, l’Angleterre aura donné une preuve, non pas de tolérance. — ce serait trop dire, et elle n’a plus à donner des preuves de ce genre, — mais de bon goût, et aussi de convenance à l’égard d’un assez grand nombre de ses nationaux. Il est à désirer qu’il en soit ainsi, et peut-être tout le monde serait-il d’accord pour le penser, si la question n’était pas dénaturée par les intérêts et les passions du moment. On accuse, en effet, le gouvernement de vouloir modifier un texte antique, et dès lors respectable, à la suggestion, ou plutôt sous la pression des Irlandais : cela suffit pour provoquer des manifestations contraires qui prennent, sur certains points du territoire, un caractère assez violent.

Qu’on nous permette une digression. L’opinion, en ce moment même, est très excitée en Allemagne contre la dernière Encyclique du Pape : on n’y parle rien moins que de renouveler le Kulturkampf et de prendre des mesures contre les catholiques. Nous sommes convaincu que ce grand mouvement n’ira pas loin parce que la politique du gouvernement impérial, qui est sage et habile, saura l’endiguer et l’arrêter lorsque l’avertissement donné au Saint-Siège paraîtra suffisant. En attendant, le chancelier de l’Empire, interpellé au Landtag prussien, a cru devoir se plier à l’opinion en disant que des