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les plus illettrés avaient été contraints de sentir la chaleur.

Toutefois, le trait le plus charmant que nous révèle la biographie de cette femme de lettres est encore, comme je l’ai dit, la discrète simplicité avec laquelle Hannah More, au milieu de sa gloire de « bas bleu » aussi bien que de ses efforts secourables, est toujours demeurée le type parfait du « bon garçon, » absolument étrangère à toute vanité, et attachant plus de prix à l’estime de ses proches qu’à tous les triomphes passagers d’une popularité qui, d’ailleurs, ne la gênait ni ne la troublait en aucune façon. Elle savait trop, au secret de son cœur, que tous ses poèmes n’étaient rien que des besognes plus ou moins réussies, et que sa véritable valeur ne lui venait pas de son talent d’écrivain, mais seulement de la manière dont elle l’employait à combattre, autour de soi, la souffrance et le mal. De telle sorte que tous ceux qui l’ont connue ont laissé d’elle une image exactement conforme à celle qui ressort du beau portrait d’Opie. A défaut du moindre élément romanesque, sa longue carrière se déroule devant nous avec une ampleur harmonieuse, une superbe intensité d’émotion et de vie ; et l’on ne saurait trop souhaiter que l’avenir nous réserve encore de connaître d’autres figures de « bas bleus » aussi pleinement gracieuses et touchantes que celle de « sainte Hannah, » la première historiographe et apologiste de la « confrérie ! »


T. DE WYZEWA.