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REVUES ÉTRANGÈRES

LES PREMIERS « BAS BLEUS »


Famous Blue Stockings, par Mme Ethel Rolt Wheeler, un vol. in-8o, illustré. Londres, librairie Methuen, 1910.


Il y avait à Londres, vers le milieu du XVIIIe siècle, un certain petit-fils d’évêque appelé Benjamin Stillingfleet, qui semble bien avoir réuni dans sa personne toutes les perfections du corps et de l’esprit. Doué par la nature d’une vigueur athlétique à laquelle s’ajoutait, chez lui, un amour passionné des sports, il s’était illustré dans sa jeunesse en faisant, l’un des premiers, l’ascension du Mont-Blanc, et, plus tard, ses travaux sur la botanique lui avaient valu l’estime des savans ; mais par-dessus tout cela, il avait la réputation d’être essentiellement un profond philosophe, avec un génie à la fois spéculatif et imagé qui ne dédaignait point d’employer le rythme du vers à traduire les plus hautes pensées sur l’origine des choses ou leur fin dernière. Il est vrai que les lettrés anglais d’aujourd’hui n’ont conservé aucun souvenir de ses poèmes, non plus que les botanistes ne paraissent se rappeler ses recherches sur la classification de la flore alpestre ; et je ne serais pas éloigné de croire, tout compte fait, que ce personnage éminemment admiré de son temps eût été surtout un poète, et un philosophe, et un savant amateur : mais, du moins, il a été cela avec une autorité et un agrément extraordinaires, dont une foule de documens contemporains nous ont gardé la trace. « Telle était l’excellence de sa conversation, — nous dit Boswell, l’étonnant et immortel biographe du docteur Johnson, — et son absence était toujours ressentie si cruellement que