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Mais, quelle que soit la solution adoptée, le principe que les proches parens, à commencer par les enfans, ont un droit successoral, est à la base de la plupart des législations, et ce n’est qu’à leur défaut que l’État intervient et s’adjuge les successions vacantes ou en déshérence. Une succession vacante est celle qui est abandonnée en fait, que personne ne réclame ni n’administre. Elle peut appartenir légalement à certains successeurs, parens, conjoints, qui ne se sont pas encore fait connaître et qui la réclameront plus tard. La vacance de l’hérédité n’est alors que provisoire : un curateur lui est donné. Au contraire, la succession en déshérence est celle qui est attribuée à l’État parce qu’il n’y a pas d’héritiers aptes à la recueillir, ou que ceux qui existent l’ont répudiée ou y ont renoncé avant le décès, là où les pactes sur successions futures sont autorisés : elle est en général dévolue à l’État, quelquefois à la commune, à des établissemens publics ou même privés. Le code allemand range l’Etat dans la même catégorie juridique qu’un héritier du sang, d’après le vieil adage français : « L’Etat est le cousin de tout le monde. » La plupart des législations latines le considèrent au contraire comme un successeur d’une nature spéciale, qui n’a pas la saisine et ne répond pas des dettes « ultra vires. » Il reçoit les biens sans maître. C’est l’idée clairement exposée par l’orateur du Tribunat, lors de la discussion de notre code civil : « Ce qui n’appartient à aucun individu appartient au corps de la société, qui représente l’universalité des citoyens. Jouissant pour l’avantage commun, il prévient les désordres qu’entraînent les prétentions de ceux qui s’efforceraient d’être les premiers occupans d’une succession vacante. » Une troisième théorie d’origine féodale, encore en vigueur en Angleterre pour les immeubles qui y sont des fiefs, admet que la dévolution au profit de la Couronne s’opère en vertu du droit de retour au suzerain : c’est elle qui sans doute était encore au fond des idées de sir William Harcourt quand il revendiquait pour l’Etat l’antériorité de son droit de propriété.

Certaines législations n’édictent pas ce droit d’une façon inconditionnelle, mais obligent l’Etat à affecter les biens qu’il a recueillis à certains emplois. Ainsi le code espagnol lui enjoint de les distribuer : 1° aux établissemens de bienfaisance municipale et aux écoles gratuites du domicile du défunt ; 2° aux établissemens de même nature de la province ; 3° aux