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peut réclamer le trousseau, qui est aux enfans. Dans tous les cas, les droits de ceux-ci sont formellement réservés. Ailleurs le législateur assyrien nous parle du fils aîné et de l’institution d’une sorte de bien de famille : « Si quelqu’un donne à son fils aîné champs, jardins, maison par écrit, après la mort du père, quand les frères partageront, l’aîné prendra d’abord le cadeau que lui a fait son père ; la fortune mobilière sera partagée à parts égales entre tous. »

Hammurabi, tout en prenant soin d’opérer une répartition équitable, cherche à empêcher les immeubles de sortir de la famille : « Si à une prêtresse ou à une femme publique son père a donné un trousseau avec une tablette n’y stipulant pas qu’après elle, elle pourrait le donner à qui elle voudrait, quand le père mourra, les frères de cette femme prendront le champ et le jardin de cette femme et, selon la valeur de sa part, lui donneront du blé, de l’huile, de la laine jusqu’à contentement ; si ses frères ne lui donnent pas du blé, de l’huile, de la laine, elle cédera à bail son champ et son jardin à qui il lui plaira, et, son fermier la sustentera. Champ, jardin et tout ce que son père lui avait donné, elle gardera autant qu’elle vivra ; mais elle ne peut rien aliéner ni solder par ce moyen, sa part d’enfant appartient à ses frères. » Plus loin la même préoccupation apparaît toujours : « Si à une fille recluse ou à une femme publique (§ 180) un père n’a pas donné de trousseau, quand le père mourra, elle prendra sur la fortune de la maison paternelle une part d’enfant, qu’elle gardera tant qu’elle vivra et qui après elle reviendra à ses frères. »

Ces passages de l’un des plus anciens codes civils qui soient parvenus à notre connaissance nous montrent de la façon la plus claire un législateur profondément imbu de l’idée qu’il est d’un intérêt public que les patrimoines soient conservés dans les familles. Nous y voyons une sorte de droit d’aînesse consacré ou du moins admis en ce qui concerne les immeubles ; des précautions prises contre le développement de la mainmorte : la fille qui devient religieuse ou demeure célibataire ne peut faire sortir les biens fonciers de la famille ; elle n’a la libre disposition de sa dot mobilière que si son père y a expressément consenti. De même la femme mariée garde, sa vie durant, après le décès de son époux, le domaine qu’elle a reçu, mais il est inaliénable et revient, après sa mort, aux enfans.