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jusqu’à 18 1/4, entre parens au-delà du quatrième degré jusqu’à 29 pour 100. Comme ces 100 millions ne servent qu’à couvrir une partie du déficit, et qu’on nous annonce que les successions devront suffire aux dépenses des retraites ouvrières et paysannes, on peut entrevoir l’époque où l’Etat prétendra confisquer les deux tiers de certaines d’entre elles. Et cet article de la loi de finances, bâclée à la fin d’une session, alors que quatre douzièmes provisoires avaient déjà été votés, alors que les bancs du Palais-Bourbon étaient vides et que la plupart des députés étaient retournés dans leur circonscription pour y mener leur campagne électorale, a passé sans soulever plus d’objections que s’il se fût agi d’autoriser une petite commune à emprunter quelques milliers de francs. M. Jules Roche, dans un de ses brillans articles où il éclaire la route sur laquelle on nous entraîne et nous montre avec quelle légèreté on décide les plus graves questions, a pu dire avec raison qu’en trente ans de vie parlementaire il n’avait jamais assisté à un spectacle pareil. Quelle est l’assemblée où le dépôt d’un tel projet n’eût pas provoqué une discussion approfondie et où les orateurs n’auraient pas essayé de dépeindre à leurs collègues les conséquences qui en résulteront, les répercussions qu’exerceront sur la vie de la nation, sur la formation de l’épargne, on pourrait dire sur la moralité publique, des tarifs aussi exorbitans ?

Mesurons le chemin parcouru depuis le commencement du siècle. Avant 1901, le droit en ligne directe était uniformément de 1 1/4 pour 100 ; il s’élève aujourd’hui jusqu’à 7 1/2 pour 100, c’est-à-dire qu’il est sextuplé. Entre époux, il peut s’élever jusqu’à 12 1/4 pour 100, il est donc quadruplé ; entre frères et sœurs, à 18 1/4 : il est triplé ; entre oncles et tantes, neveux et nièces, à 23 pour 100 : il est quadruplé ; entre grands-oncles, grand’tantes, petits-neveux et petites-nièces et cousins germains, à 26 pour 100 : il est également presque quadruplé ; entre parens au-delà du quatrième degré ou étrangers, à 29 pour 100 : il est plus que triplé. Malgré l’énormité de ce dernier tarif, qui, si l’on tient compte des frais de toute nature qu’entraîne la liquidation d’une succession, arrive à dévorer le tiers de l’héritage, l’aggravation des charges a été proportionnellement plus forte encore pour la ligne directe que pour les étrangers. Le tarif progressif n’avait pas jusqu’ici accru dans une proportion très considérable le produit de l’impôt, qui était de 199 millions