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Dans le bocage de fleurs où s’abrite la Résidence anglaise, je ne soupçonne encore rien de Katmandou. Mon aimable hôte a voulu que je me repose quelques heures le premier jour et veut m’accompagner dans ma première visite à la « city » indigène. Je dissimule mon impatience et nous partons protocolairement, après le thé, à l’heure exquise et lumineuse, mais toujours trop courte pour le voyageur, et consacrée à la promenade par tous les Anglais des Indes. La grande vallée va m’apparaître de nouveau, dès que nous quitterons la longue route plus ou moins bordée de murailles derrière lesquelles dans de vrais domaines, se cachent, pendant trois ou quatre kilomètres, des palais de Maharajas.

Nous allons vite nous trouver sur les bords du grand étang de la Reine qui m’avait charmée dès l’arrivée. La Rani Pokri est une grande pièce d’eau carrée, protégée par une maçonnerie ajourée à hauteur d’appui : elle fut creusée au XVIIe siècle par un roi Newar, Pratapa Malla, qui voulait distraire sa Rani préférée de la perte d’un fils. Une élégante chaussée sur arceaux de pierre mène à un pavillon à colonnes, dans lequel il logea la divinité de sa famille et d’où l’on jouit d’une vue admirable. Quelques jolis édifices et des arbres se mirent dans les eaux. C’est un charmant point de vue, dans le cadre de ces magnifiques montagnes qui forment le fond de tous les tableaux de la vallée.

Tout de suite, nous tournons à droite et nous entrons bientôt dans les rues étroites de la « city » que notre voiture remplit malgré la foule curieuse qui se presse et que les saïs ont de la peine à écarter, de chaque côté des chevaux. Partout de vieilles et pittoresques maisons, avec leurs toits surplombans au-dessus de poutres très ouvragées, leur façade souvent ouverte au rez-de-chaussée sur de jolies colonnades, percée de fenêtres variées et merveilleusement sculptées ; partout des bois artistiques qui feraient le bonheur de tous les musées du monde ; et puis, de petites places et des pagodes dont les toits se superposent toujours du plus grand au plus petit ; quelques temples de pierre rappellent un peu la pyramide de certains temples jaïnes ; dans une coupole, au vieux temple de Mahadeva, sur lequel toute une végétation a trouvé vie, apparaît peut-être la seule influence musulmane. Il y aurait 600 temples à Katmandou, 600 à Patan,