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être exécuté. Bhim Son Thapa assure le pouvoir à sa famille pour plusieurs générations.

Tandis qu’il gouverne et administre, son père, le général Bhim Sena, grandit le Népal par de nouvelles conquêtes. L’élan donné aux Gourkhas par Prithi Narayan ne s’arrête pas avec sa mort. Ils poursuivent l’expansion au Sikkim, au Bhoutan, au Tibet : là, ils se heurtent aux armées chinoises qui mettent en grand péril la domination Gourkha. En 1789, les Gourkhas envahissent pour la première fois le Tibet : les lamas promettent de payer chaque année 15 000 taëls ; mais, comme ils ne tenaient pas leur promesse, les soldats népalais reparaissent, en 1791, s’avancent jusqu’à Chigatsé où ils pillent le célèbre monastère de Tcha-ché-loun-pou, occupé par plusieurs milliers de lamas. Le Dalaï-Lama appelle à son aide l’empereur de Chine Kien-Long, qui lui envoie une nombreuse armée. Les Chinois pénètrent dans le Népal par le défilé de Tsi-Long et, le 9 juillet 1792, ils atteignent la montagne de Yong-Ya qui domine la vallée de Katmandou. Les Gourkhas, vaincus, font leur soumission, rendent les richesses usurpées à Chigatsé et les lamas, faits prisonniers, déchirent les conventions qu’ils avaient imposées aux Tibétains et reconnaissent la suzeraineté de l’empereur de Chine. C’est depuis cette époque qu’un millier de soldats chinois et mongols sont restés au Tibet pour y garder le drapeau chinois et y protéger les lamaseries contre les entreprises des Gourkhas. Un décret de 1792 stipule que les supérieurs des lamaseries seront nommés par le Dalaï-Lama et le commissaire impérial chinois[1]. Après la guerre chinoise, les opérations reprennent dans l’Ouest ; le Kumaon et le Garhwal deviennent des provinces népalaises et. en 1794, le Népal s’étend ainsi du Bhoutan au Kachmir. Palpa, le dernier des États indépendans, est soumis en 1804 par Bhim Sen, père du premier ministre.

Quant au roi Rana Bahadour, l’histoire n’en fait plus mention que pour relater ses constans besoins d’argent. Ayant obéré son trésor par ses folies, il jugea de bonne prise les biens des brahmanes. Alors, les présages s’amoncelèrent contre lui : « O roi, dirent les oracles, le poison n’est pas du poison, les biens des brahmanes, voilà le poison. Le poison tue la personne, mais les biens des brahmanes tuent les fils et les

  1. Histoire de la conquête du Népal par les Chinois, traduit par C. Imbault Huart. (Extrait du Journal Asiatique, Paris, Imprimerie nationale, 1879.)