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Sur les armes coloriées qui ornent les lettres que le Maharaja actuel me fait l’honneur de m’écrire on peut lire cette devise latine : Dulce et decorum est pro patria mori.

C’est grâce à ces qualités que les Gourkhas firent la conquête du Népal, sous la conduite de leur héros national, le fondateur de la dynastie actuellement régnante, Prithi Narayan. « Politique cauteleux, soldat vaillant, tacticien perspicace, prudent à former ses plans, opiniâtre à les conduire froidement, barbare ou généreux par calcul, » le conquérant du Népal apparaît dans l’histoire de l’Inde comme un beau type d’aventurier heureux. Monté sur le trône en 1742, à l’âge de douze ans, Prithi Narayan aguerrit ses fidèles par de petites expéditions autour de sa capitale, puis, le moment venu, il les entraîne à la conquête des trois royaumes Mallas, affaiblis par leurs divisions. En face de ces rois artistes et bâtisseurs, le Gourkha apparaît comme un barbare de génie. « Il joignait, dit encore M. Sylvain Lévi, à une ambition insatiable, une obstination que rien ne lassait ; il voyait net, décidait vite, agissait de sang-froid, récompensait largement les services et punissait les résistances avec une cruauté sauvage. Religion, dieux, prêtres n’étaient pour lui que des instrumens de domination mis au service de sa volonté. »

C’est l’un des rois Mallas lui-même qui appelle à son aide son dangereux voisin ; le Gourkha n’a garde de manquer une si belle occasion ; il entre dans la « Petite Vallée, » s’empare de Nayakot, en fait son quartier général et met le siège devant Kirtipour, petite ville forte dont on peut voir encore les murailles démantelées qui couronnent un mamelon, à cinq kilomètres de Katmandou.

Mais le roi de Katmandou accourt, avec son armée, au secours de la place et met en déroute l’armée des Gourkhas ; son chef lui-même ne doit son salut qu’au dévouement de ses porteurs. L’année suivante, même tentative, même insuccès. Prithi Narayan a recours, alors, à d’autres moyens : deux mille brahmanes parcourent le pays et préparent les esprits, au nom de la religion, à accueillir le conquérant ; pour la troisième fois il assiège Kirtipour, il intercepte les routes et fait pendre quiconque porte avec lui des vivres, si peu que ce soit. Au bout de six mois de siège, la trahison d’un noble de Patan livre la ville. Malgré l’amnistie générale qu’il a promise, il fait couper le nez et les lèvres à tous les habitans ; il n’excepte que les enfans à